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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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s’éloignait. Ce qui le surprenait, c’était
cette manière qu’ils avaient de ne plus économiser leurs forces pour
l’après-midi.
    — Qu’est-ce qu’ils ont ? demandait Carlo à Giaume,
le contremaître.
    — Ça bouge, c’est comme ça. Avec les événements, ils
sont plus comme avant.
    Carlo les entendait rire souvent. Ils se réunissaient au Bar
de la Corse. Un type, debout, qui se taisait quand Carlo entrait, puis
reprenait, agressif : « Ce qu’on veut, camarades, c’est faire cracher
les gros, les deux cents familles, et pour ça, y a qu’un moyen, l’unité des
travailleurs. »
    — Qui c’est, celui-là ? demandait Carlo au patron.
    — Barnoin, un taxi, un communiste.
    Le patron baissait la voix, s’excusait :
    — Je suis obligé, monsieur Revelli. En ce moment, si
j’accepte pas, ils vont ailleurs…
    Au Café de Turin, au Café des Trams, au Relais fleuri. Il suffisait
de traverser la ville, de savoir regarder pour comprendre que ça bouillonnait.
    C’était pour Carlo comme un refrain dont on cherche la fin,
une musique entendue et qui ne surprend pas, des souvenirs, quand il collait
des papillons anarchistes dans la vieille ville, ou qu’avec deux ou trois
camarades il se cachait dans une porte pendant que passait une patrouille de
dragons. Quelque chose bougeait qui effrayait les autres.
    — Vous comprenez, continuait Merani, c’est un ensemble.
Ils s’en sont pris à Charles, ils ont attaqué son étude, brisé les vitres, ça
c’est personnel, local. Mais il y a le reste.
    Il avait peur, Merani. Front populaire qui triomphait aux
élections en Espagne. Barel, un des candidats communistes, qui écrivait dans le
Cri des travailleurs, l’hebdomadaire du parti : Bientôt un réseau
de Comités de Front populaire enserrera notre département.
    — Barel, vous savez ce qu’il a dit à leur Congrès, vous
avez lu ? « La côte d’Azur, c’est la Crimée de la France », et
voilà leur intelligence, et ils ont la prétention…
    Charles Merani écrasait son cigare, interrompait son père :
    — C’est encore un épisode local, disait-il.
    Société des Nations, sanctions contre Rome, Hitler,
Mussolini. Charles Merani parlait comme un avocat. Mais en quoi ça concernait
Carlo que la France ait eu tort de ne pas soutenir l’Italie fasciste, en quoi
ça allait, comme disait Charles Merani, « nous retomber dessus » ?
    — Si nous voulons vraiment nous défendre, expliquait
Charles, il faut attaquer. Vous connaissez Darnand ?
    Un petit entrepreneur de transports qui bouffait les miettes
que laissait Carlo.
    — Il est au mieux avec les Italiens.
    Charles jetait un coup d’œil à son père.
    — Après tout, continuait-il, l’Italie, c’est aussi
votre patrie, vous êtes né là-bas.
    — L’Italie ? disait Carlo. Je suis français.
    — Vous n’avez rien contre le régime de l’Italie ?
interrogeait Charles.
    Carlo prenait un autre cigare, présentait encore la boîte à
Joseph Merani.
    — Pour manger, il a fallu que je vienne ici, moi et mes
frères.
    — Bien sûr, vous avez raison, Revelli, disait Joseph
Merani. Ce que mon fils a voulu dire, c’est que l’Italie a changé, et qu’ici,
pour votre entreprise, pour tout ça…
    Il montrait encore le jardin :
    — Vous n’êtes pas loin, pour Barel et les autres, de
faire partie des deux cents familles. Mais si, mais si, il faut empêcher le
désordre, Revelli, et ces élections…
    Parfois, chez Carlo, l’envie de voir sauter ce monde comme
une carrière que l’on a bourrée de dynamite. Les belles explosions de sa
jeunesse, les cris pour prévenir que la mèche était allumée, que la flamme
courait. On baissait la tête, et ce grand pan de roches grises qui tombait dans
la poussière, jetant loin des éclats comme les gerbes d’un feu d’artifice.
Après tout, il avait mangé, Carlo, il connaissait le goût de tous les plats,
les leurs, ceux avec les arabesques de mayonnaise sur la chair blanche du
poisson, et il les avait vus, Merani, le préfet, à sa table, pour le mariage de
Mafalda… Alors si, maintenant, quelqu’un venait pour renverser la table,
pourquoi pas ?
    — Vous m’entendez ? dit Merani.
    Carlo sourit, se toucha l’oreille :
    — Oui, dit-il, j’entends pas tout, mais je comprends
l’idée.
    — D’ailleurs, maintenant, reprenait Joseph Merani.
    Il haussait le ton, rapprochait sa chaise de Carlo :
    — Merani, Revelli, c’est la même famille. Il

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