Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
Mais vous aviez choisi l’Hôtel Negresco.
    Le soleil était de face, bas au-dessus de l’horizon,
glissant sous la verrière, frappant les visages à hauteur des yeux. Carlo
repoussa son chapeau de façon que le feutre noir vienne au ras des sourcils.
    — Je me suis toujours demandé, continuait après une
hésitation Hollenstein, pourquoi ce refus de travailler avec moi. Maintenant,
il y a combien d’années, une quarantaine, n’est-ce pas ?
    Carlo, les yeux mi-clos, la lumière blanche se décomposant
en gouttelettes dorées qui naissaient des cils, glissaient sur le rebord du
feutre, formant une succession de taches vives qui parfois s’irisaient, collier
semblable à celui que portait Héléna – elle n’était encore que la sœur de
Frédéric Karenberg. Les perles au-dessus des seins, des mamelons durcis, sous
la paume de Carlo.
    — Ce refus, disait Hollenstein, j’ai eu le sentiment,
Revelli, qu’il y avait autre chose.
    — Je ne pouvais pas construire deux hôtels à la fois,
dit Carlo, c’est simple.
    — Je ne sais pas, répondait Hollenstein. Héléna, quand
je parlais de vous…
    Le plâtre, dans la main de Carlo, n’est plus qu’une poignée
de poussière qui glisse, tache le vêtement sombre.
    — Je voulais interroger son frère, poursuivait Hollenstein.
Mais, quand je voyais Frédéric, nous parlions d’autre chose. Lui aussi, chaque
fois que votre nom…
    — Ils sont morts, dit Carlo. Elle et lui. Alors ?
    Il allumait un cigare, relevant son chapeau, secouant la
poussière qui s’était déposée sur sa veste.
    — Vous connaissez mon offre, reprit-il. Elle est ferme.
Ici, je vous laisserai la direction, bien sûr.
    — S’il y avait eu, entre Héléna et vous… – Gustav
prit son porte-cigarettes – Vous aussi, vous continuez de fumer, dit-il en
se levant.
    Il alla s’adosser au rebord de la terrasse faisant face aux
coupoles couvertes de tuiles vernissées bleues et rouges. Dressées sur le plan
de la terrasse, entre les cheminées et les verrières, prolongées par les fines
aiguilles des paratonnerres, elles étaient des redoutes avancées de la chaîne
lointaine, montagnes, collines qui, violettes dans la lumière de janvier,
formaient le double terrestre de la baie.
    — Héléna, dit Hollenstein, vingt et un ans qu’elle est
morte. Le croiriez-vous, Revelli ? Plus le temps passe, et plus elle est
présente… C’est le reste…
    Il montrait les coupoles, les montagnes, cette table où un
serveur venait de déposer la cafetière d’argent.
    — Le reste, répétait-il, tout ça s’efface. De l’eau qui
glisse. Est-ce que, vous aussi, vous avez cette impression de ne plus rien
saisir vraiment ? C’est un peu…
    Il se mit à rire, toucha sa bouche :
    — Quand j’oublie mon dentier, je ne peux plus mordre,
c’est la même sensation.
    Il soupira, se tourna vers la mer.
    — Voilà pourquoi je vous interroge, dit-il.
    Carlo vint s’accouder près de lui. Ils étaient deux vieux
hommes très dissemblables. Carlo, qui posait son chapeau sur le rebord de la
terrasse, repoussait en arrière ses cheveux blancs, rallumait son cigare, et le
fait d’en serrer le bout entre ses dents faisait ressortir les os des
maxillaires dans les joues maigres et tannées. Gustav s’était tassé, il était
chauve, et son visage s’en trouvait comme affiné, ennobli. Il souriait avec une
lassitude discrète, humble.
    — Votre femme, dit Carlo, croyez-vous vraiment que s’il
y avait eu quelque chose, entre votre femme et moi, j’aurais laissé mon fils
épouser votre fille ?
    La phrase venait de naître malgré Carlo, comme un de ces
feux dont on ignore l’origine et qui sont là, tout à coup, crépitant dans les
sous-bois secs. Il avait fallu le long et bref détour d’une vie, la sienne,
pour qu’un Revelli puisse un jour mettre son nom sur une femme qui appartenait
au monde d’Héléna.
    Lui, Carlo, Héléna l’avait utilisé, renvoyé, elle avait crié
une nuit : « Allez-vous-en. Allez-vous-en. J’appelle la police. »
    — Elle n’a pas toujours été ma femme, dit Hollenstein.
    Carlo remit son chapeau.
    — Avant…
    Il aspira longuement, goûtant, des poumons aux lèvres, cette
chaleur musquée du tabac, comme le souvenir des temps où le corps était une
grappe verte, acide. Le plaisir. Ecraser ces grains, sentir la pulpe sous la
dent, la sève qui donnait un frisson. Il avait posé sa main sur les seins
d’Héléna.
    — Avant, reprit

Weitere Kostenlose Bücher