Nice
mains en cadence. Rafaele se tenait en retrait, près de Violette qui
enlevait son kimono jaune au liséré vert. Gustav Hollenstein apparaissait
devant l’entrée de service de l’hôtel :
— Vous allez réveiller tout le personnel, disait-il.
— Carnaval, carnaval, répétait Katia.
Elle ramassait sur le sol le sac de confettis, le renversait
sur la tête de Gustav.
— Une fois dans l’année, disait-elle.
— Peut-être le dernier, disait Sam.
Katia prenait Gustav par le bras :
— Toute la soirée, dit-elle, ils ont…
Ils s’étaient retrouvés sur la terrasse de l’Hôtel Impérial,
Alexandre et Nathalie arrivés les premiers, puis Sam, Violette et Rafaele.
— Nous fêtons la première sortie publique de Rafaele
Sori, disait Sam.
Il s’approchait du rebord de la terrasse située au dernier
étage de l’hôtel. Le brasier dans la nuit illuminait la baie.
— Moi, disait Gustav, je vous laisse. Trop vieux pour
votre Veglione.
Violette s’asseyait dans un des salons qui donnaient sur la
terrasse.
— Ce Veglione, cette foule…, commençait-elle.
Elle regardait Rafaele qui restait debout, appuyé près de la
porte d’entrée.
— Vous voulez vous asseoir ?
Elle lui montrait un fauteuil, mais il avait une moue, à
peine un mouvement de tête, puis il gagnait lentement la terrasse, et Violette
entendait Katia :
— C’est vous l’Espagnol ? Ils m’ont tous parlé de
vous, le héros, le blessé. Vous pouvez danser ?
Sam venait près de Violette.
— Veglione, Veglione. Ma dernière nuit de carnaval, je
crois que c’est à Munich, disait-il. Une veillée folle, des émeutes. Le
carnaval, c’est toujours avant ou après la peste.
Katia jetait sur un des fauteuils des kimonos, des loups noirs,
des masques, elle frappait dans ses mains, se haussait sur la pointe des pieds,
regardant la mer.
— Il va avoir fini de brûler, disait-elle.
Elle se penchait vers Gustav :
— Tu ne viens pas ?
Il lui caressait la joue :
— Allez, allez, disait-il.
La foule. Ils se tenaient par la main pour ne pas se perdre
dans la grande salle du casino de la Jetée-Promenade, coups de cymbales,
serpentins qui bondissaient vers le visage de Violette, coup de gong. Changez
de partenaire. Elle dansait avec Rafaele, ne voyait plus Sam.
— Où sont-ils ? répétait-elle.
Rafaele cessait de danser, l’abandonnait, fendait la foule,
s’appuyait contre la vitre, le dos à la mer :
— Ça ne va pas ?
Il soulevait son masque. La sueur sur le front, la pâleur.
— Ça va, disait-il. Ça va, mais j’ai besoin d’air.
Violette le suivait sur la passerelle métallique qui faisait
le tour du casino, surplombant l’eau.
— Vous voulez quelque chose ? demandait-elle. Ce
n’était peut-être pas très prudent.
Ils s’accoudaient l’un près de l’autre, face au large.
— Après ce que vous avez vu, continuait Violette.
Elle commençait à parler de Philippe Roux, de sa colère
quand, à Villefranche, dans les restaurants, l’insouciance des dîneurs…
— Philippe ne s’est pas battu. Il est seulement un
journaliste. Mais tous ces touristes, cette indifférence, maintenant ce
carnaval avec ce qui se passe un peu partout.
Rafaele lui demandait une cigarette. Il la prenait sans
regarder Violette, parlait comme si elle n’avait pas eu de visage.
— Votre ami, disait-il, le propriétaire de l’hôtel,
Hollenstein, il dit qu’il n’a jamais vu autant d’affluence. Congés payés.
Italiens. Tout le monde est content. Alors ? Il faut danser.
Il jeta sa cigarette dans l’eau.
— On y va ?
Il la prit par la main, et le geste était si inattendu pour
Violette qu’elle resta un instant immobile, opposant une résistance que Rafaele
ne cherchait pas à vaincre. Il lâchait sa main, baissait son masque, entrait
dans la salle de danse. Violette vit Sam qui tournait avec Katia, elle aperçut
Nathalie et Alexandre, au bord de la piste, et, abandonnant Rafaele, elle
s’approcha d’eux.
— On va rentrer, dit Nathalie.
Alexandre enlevait son loup, se frottait les yeux.
— Carnaval, roi du rire et de la blague, beau titre.
Inconscience ou volonté de s’illusionner ?
Il prit l’épaule de Violette :
— Tu n’as pas l’air gai, dit-il. Roi du rire, pourtant.
Regarde.
Danses, confettis, farandoles et, tenant le micro à deux
mains, un clown qui hurlait.
— Rafaele…, commença Violette.
— J’ai pensé à Jean Karenberg, dit
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