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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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déserte.
     
    — On les a laissés seuls, vous comprenez, racontait ma mère
à Sam. On est sortis avec Antoine et Giovanna. Quand on est rentrés, à peine
une heure, Violette était déjà repartie, et Rafaele, vous savez, il n’a plus
dit un mot.
    Nous avions, Edmond et moi, essayé son képi, joué à la
guerre et maintenant elle était là. La T.S.F. répétait l’annonce de l’attaque
allemande.
     
    — Pourquoi tu veux voir Sam ? demandait mon père à
Violette. Nous sortions, moi entre mon père et ma tante. J’essayais de découvrir
si la voix de la T.S.F. avait déferlé dans la rue de la République, mais les
tramways roulaient, les ménagères, avec leurs filets de toile cirée noire,
bavardaient au bord du trottoir, devant l’épicerie Millo, Lilly prenait à
pleines mains des aubergines dans l’un des cageots posés près de l’entrée, elle
nous interpellait :
    — Alloura, va ?
    Elle pesait, versait dans le cabas de la cliente.
    — Tu as des nouvelles ? interrogeait mon père.
    Elle avait des cheveux courts, une frange noire couvrant le
front. Elle regardait Violette, revenait à mon père.
    — Qu’est-ce qu’il y a ? Vous savez quelque chose ?
    — Les Allemands sont entrés en Belgique, en Hollande ce
matin. C’est la T.S.F. Remarque, s’il est dans la ligne Maginot, pour l’instant,
c’est le Nord.
    Lily se signait. La voix venait de la frapper et quand nous
la quittions, elle restait immobile, le plateau de la balance au bout de la
main, bouclier dérisoire qu’elle avait baissé.
    — Sam, disait Violette en s’asseyant dans sa voiture, j’ai
confiance en lui. Il sait ce qui se passe. Il me dira ce qu’il faut faire. Si
l’Italie déclare la guerre je ne veux pas rester ici avec Vincent. Philippe
(elle s’interrompait) un ami, il a fait des reportages en Espagne, il m’a
raconté les bombardements des Italiens sur Barcelone. S’ils bombardent Nice, je
veux demander à Sam…
    — Si les Allemands gagnent, les Italiens feront la
guerre, dit mon père. Mussolini se mettra du côté du plus fort. Ils l’ont tous
applaudi, le fascisme c’est l’ordre, l’exemple, ils vont voir.
    Violette avait mis le moteur en marche, elle se penchait
hors de la voiture.
    — On dirait que tu es content ? disait-elle.
    Mon père m’entraînait, je m’asseyais sur la petite selle, au
milieu du cadre du vélo, il murmurait :
    — On va aux nouvelles.
    Place Garibaldi, des groupes sous les platanes, des voix qui
se mêlaient, puis à nouveau les rues calmes, des communiantes aperçues devant
l’église du Vœu, la mousse blanche des voiles qu’elles soulevaient d’un ample
mouvement du bras, et les voiles restaient un instant suspendus à l’horizontale,
avant de retomber comme une aile légère qui se replie. Nous traversions la
place Masséna, ellipse fermée par les façades roses. Sous les arcades, des
groupes encore, puis le long de l’avenue, les voitures immobiles, la foule sur
la chaussée à la hauteur de l ’Éclaireur de Nice et du Sud-Est.
    Mon père calait le vélo contre un platane, paraissait
m’oublier, s’approchant des panneaux où l’on inscrivait les communiqués.
    HAVAS 14 heures :
les troupes françaises ont pénétré ce matin aux premières heures en Belgique en
plein accord avec le gouvernement belge. Les éléments motorisés du général
Giraud poussent vers Anvers et Tilburg afin d’entrer rapidement en contact avec
l’ennemi. Des sabotages ont été signalés. Ils seraient l’œuvre d’espions de la
Cinquième colonne et de parachutistes.
    Je déchiffrais lentement les phrases noires. Je suivais mon
père qui s’arrêtait près de chaque groupe, écoutait, penchait sa tête vers le
centre vide du cercle où se croisaient les mains et les voix, « Pétain,
en 17 »…, « les boches »… « Et vous croyez que Weygand »…
    Je retenais ces noms, Hitler, Maginot, Verdun, Pétain. Je dévisageais ces hommes – il n’y avait que des hommes devant le journal –
qui parfois élevaient le ton. «  Mais qu’est-ce que vous dites ? » l’un d’eux s’écartait, revenait : « Moi, la guerre, je l’ai
jamais voulue, qui vous a demandé votre avis, qui ? »
    Des agents repoussaient avec leurs bicyclettes les badauds
sur le trottoir, tentaient de dégager la chaussée pour les voitures.
    Mon père m’appelait. Nous roulions bientôt sur la Promenade,
je sentais ses bras tendus contre mes épaules, il sifflait,

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