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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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le front, nous le pourchassions
jusqu’à ce que l’instituteur s’interpose, crie en passant dans nos rangs :
    — Mais vous êtes tous des Italiens, imbéciles, tous.
     
    J’aimais ce mois de mai aux longues soirées rouges. Louise
pleurait assise dans la cuisine, mon grand-père Vincente regardait le ciel à
l’Ouest.
    — J’ai peur, disait Louise, j’ai peur qu’il soit arrivé
quelque chose à Lucien, tout ce sang.
    Elle montrait le crépuscule, les flaques de lumière dorée
qui glissaient le long des rails du tramway.
    — Il n’y a même pas eu de bataille, disait mon père.
Rien. Et dans le fond, avec les chefs qu’on a, il a peut-être mieux valu.
    Dans la cour de l’Hôtel Impérial, plus tard, Violette
venait à notre rencontre. Sa voiture était garée entre les camions militaires
que des soldats chargeaient, faisant la chaîne, lançant des caisses.
    — L’Italie, dit Violette, c’est sûr, ils vont déclarer
la guerre. Oncle Carlo est venu le dire à Nathalie. Il le sait, je ne sais qui,
le préfet, la police l’ont prévenu.
    Elle avait les mains enfoncées dans les poches d’une veste
de toile bleue, je devinais ses poings sous l’étoffe.
    — Ils vont bombarder, continuait-elle. Venez à
Saint-Paul, j’y monte avec Vincent.
    — Bombarder, dit mon père en haussant les épaules.
    — Les enfants, répondit Violette. (Puis plus bas :)
Je ne veux pas être seule à Saint-Paul avec Sam.
     
    J’ai aimé ce départ, la campagne en juin, Sam Lasky qui
peignait torse nu, Violette qui fumait en cuisinant, les vergers, la nuit,
quand ma mère imaginait des alertes et qu’elle nous entraînait sous les arbres
ma sœur et moi, le ronflement sourd des bombardiers italiens qui survolaient la
côte, les fumées du côté d’Antibes ou de Cannes. « Ils ont dû lâcher leurs
bombes sur la Bocca. » La T.S.F. qu’on écoutait dans l’atelier toutes
lumières éteintes avec le bleu argent de la nuit limpide, rideau brillant
contre la verrière.
    Une fois par semaine mon père montait à Nice à bicyclette.
J’allais à sa rencontre par le chemin des serres, je courais sur la route en
pente, j’arrachais des olives vertes dont j’aimais la saveur âcre, je
m’allongeais sur l’herbe déjà jaunie, le dos appuyé à un platane, suçant une
pousse de vigne au jus aigrelet.
    Je l’apercevais enfin, montant à pied la côte, la casquette
repoussée en arrière et je m’élançais vers lui. Il me semblait que la pente
entraînait mes jambes de plus en plus vite, que je ne pourrais pas m’arrêter,
que j’allais glisser et la peur me prenait au fur et à mesure que je m’approchais
de lui. Je criais. Il posait son vélo au milieu de la chaussée, ouvrait ses
bras et je butais enfin contre son corps. Il m’asseyait sur le cadre et
poussait le vélo, penché sur le guidon, me questionnant.
    — Et maman, qu’est-ce qu’elle fait ?
    Je ne réussissais pas à répondre.
    Dès qu’ils étaient l’un près de l’autre, ne fût-ce que dans
une phrase, j’étais sur mes gardes, je craignais que l’un ne m’oblige à choisir
contre l’autre. Ma mère souvent m’y contraignait ou bien je m’alliais à elle
sans même qu’elle fasse appel à moi, par instinct, ce flux de violence que je
sentais naître contre mon père à certains moments. Mais sur ce chemin des
Serres, alors que dans les vitres des maisons des remparts de Saint-Paul le
soleil se brisait, j’avais besoin de le voir, de me précipiter vers lui.
J’oubliais tous mes ressentiments, mes humiliations jusqu’à ce qu’il me pose à
nouveau la question :
    — Et maman ?
    — Rien, rien.
    Je répétais ce mot, je sautais du cadre, je marchais sur le
bord du chemin ou bien je courais devant mon père, rentrant seul dans le jardin
de Sam. Je me couchais sous les oliviers, je guettais leur rencontre, quand mon
père s’approcherait de ma mère, qu’il tenterait de la saisir par les épaules,
de l’embrasser et qu’elle aurait un mouvement de refus et de gêne.
    Puis nous déjeunions dans l’atelier, tous ensemble.
    — On ne sait rien du fils de Louise, disait mon père.
Elle ne mange plus.
    — Il est prisonnier, ils sont tous prisonniers,
répondait Sam.
    Il avait placé la T.S.F. près de la table et dès que la
musique s’interrompait, nous nous taisions.
    Reynaud, la Seine, Pétain, Bordeaux, Vichy.
    Les Allemands bousculaient les villes, effaçaient les
fleuves.
    — Ils vont arriver ici, si

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