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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pension et cela voulait dire, la
ville, les hommes.
    — Tu crèveras avant ou ils te crèveront.
    Il donnait un coup de paume sur son front, un autre sur le
mur.
    — Il est plus dur Revelli, bien plus dur.
    Grinda avait crevé comme un tonneau qui se brise. Il
déchargeait des muids, du vin du Var qui arrivait par les tartanes aux voiles
rapiécées. Il poussait les grosses barriques vers le plateau de la charrette en
les faisant rouler sur deux planches inclinées. L’un des muids, presque trois
cents litres de vin rosé de Bandol sur le corps de Grinda.
    La mort est si lente souvent, qu’on se demande, si lente à
venir. À l’hôpital, Madame Oberti passait un mouchoir sur le front de Grinda.
    — On se demande, répétait-elle.
    Quand les yeux de Grinda s’était enfin couverts d’une
épaisse humeur grise, Carlo avait quitté la salle.
    — Va-t’en, c’est l’affaire des femmes maintenant.
    Madame Oberti qui avait posé la tête de Grinda dans la
saignée de son bras, lui caressait le visage, main nue, comme la mère le faisait
à Luigi pour qu’il s’endorme.
    Putana la vie.
    À Roba Capeù, le vent prenait brutalement Carlo de face. Il
apercevait alors la courbe de la Baie des Anges et le Casino de la Jetée-Promenade,
sa lourde coupole orientale se reflétant dans la mer. Du bordel au Casino,
c’était l’itinéraire de Carlo, le chemin de sa méditation rageuse.
    Crever, autant que ce soit pour 20 000 francs.
    Il suivait le quai des Ponchettes, la longue ligne des
terrasses, s’attardait devant l’hôtel des Anglais ou l’hôtel des Anges, puis,
après l’embouchure du Paillon, il s’installait face au promontoire de métal sur
lequel on avait reconstruit le Casino de la jetée. Une nuit, pour vingt mille
francs, le lord anglais y avait vendu sa fille. Carlo suivait le mouvement des
voitures, ces femmes aux corsages cintrés, sans visage, seule la ligne blanche
des dents sous la voilette. Il s’approchait, faisait le tour du bâtiment,
s’engageant sur le chemin de promenade, balayée par les embruns quand la mer
était forte, qu’elle s’engouffrait avec un battement rauque entre les
poutrelles et les piliers. Appuyé au bastingage, le dos au large, Carlo tentait
d’apercevoir derrière les vitres et les voilages, les tables de jeux, les
plaques glissant sur le feutre, s’immobilisant sur un chiffre, rectangle blanc
dans un rectangle vert. Vingt mille francs, dix mille jours à deux francs par
jour, trente ans. Putana.
    Crever, autant que ce soit pour vingt mille francs.
    Il rentrait à la pension Oberti, réveillait Sauvan. Jouanet
maugréait, lançait sans colère vers eux un de ces gros souliers de terrassiers
au cuir fendillé, imprégné de poussière ocre.
    — Vous la finissez cette parlote, merde, disait-il.
    Carlo et Sauvan allait s’asseoir dans la grande salle,
Sauvan sifflant entre ses dents, battant la mesure sur la table, ses doigts
s’arrêtant parfois quand Carlo répétait :
    — Tu risques toujours, tu manques l’échafaudage, tu
tombes et quoi, tu crèves pour deux francs ? Alors il faut risquer.
    « Il n’y a qu’a ramasser » expliquait Carlo. Il
avait vu, dans le salon de la villa Karenberg, « le gardien, il est à
l’entrée du parc, il n’entend rien ». C’était il y a des mois, Carlo sur
la terrasse observait Frédéric Karenberg qui payait Gimello. Un coffret, posé
entre des livres, dans le salon.
    — Attention, disait Sauvan, attention, ils se méfient
toujours. S’ils te prennent, tu en auras pour cinq, dix ans.
    Carlo se taisait. Les paysans du Piémont l’avait roué de
coups pour quelques pommes aigres.
    — Faut pas se laisser prendre.
    — On n’est pas les plus malins, Revelli, imagine
toujours qu’ils sont plus malins que toi, sinon, tu serais à leur place.
    — Tu m’emmerdes.
    Carlo ne voulait plus rien entendre. Il avait envie de
lancer sa vie sur le tapis, pour qu’elle change. Il ressortait laissant Sauvan
immobile, les coudes sur la table, le menton dans les mains. Il traversait le
pont neuf, montait vers Cimiez, longeait la grille de la villa Karenberg, cette
succession de hallebardes aux pointes dorées. Il repérait la première branche
de l’eucalyptus, qu’on pouvait saisir, et une fois au sommet de la grille, il
suffisait de sauter dans le parc. Après c’était le jeu, la chance.
    — Tu y vas ? demandait Sauvan le jour suivant.
    Carlo rentré du chantier, reprenait sa veste accrochée à

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