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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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un
long clou de charpentier. Il hésitait et finalement d’un signe de tête il
répondait non. Il traînait encore, mais l’Anglaise coûtait cher. Il passait au
Cercle Libertaire, rue Séguranne, une pièce en contrebas de la chaussée,
presque une cave. Lambert qui venait du Nord, y vendait des brochures de Jean
Graves, de Bakounine ou de Malatesta.
    — Toi, un Italien, disait Lambert, t’as pas vu
Malatesta, il est passé ici, en 89, mais qu’est-ce que tu foutais ?
    Carlo fumait, laissait dire, repartait vers le Casino. Un
soir il avait aperçu Vincente, sautant de son siège de cocher, dépliant le
marchepied, encore courbé quand la femme du docteur était descendue, puis
Monsieur le Député Merani, qui avait eu un mot pour Vincente. Celui-ci était
remonté sur son siège, dirigeant la voiture vers les jardins. Carlo l’avait
surpris peu après alors que Vincente paraissait, les yeux ouverts, ne rien
voir.
    — Tu attends ? interrogea Carlo.
    Vincente sursautait, hésitait avant de répondre comme s’il
retrouvait difficilement la conscience du présent.
    — Il y a banquet, disait-il enfin.
    — Tu es bien ?
    — Lisa va accoucher.
    — Déjà ?
    Carlo ne les avait vus que deux fois depuis leur mariage. Un
dimanche, le député Merani et sa femme séjournant à Paris, Carlo était allé
avec Sauvan à la maison de campagne de Gairaut, un repas sous les oliviers,
Lisa le corps rejeté en arrière, les deux mains sur le ventre, Lisa qui disait :
« Carlo, tu seras le parrain. » Un autre dimanche, Vincente et Lisa
étaient revenus à la pension Oberti, mais Carlo n’aimait pas cette façon qu’ils
avaient de se tenir par le bras, même quand ils étaient assis, Lisa posant
parfois sa main sur le genou de Vincente, et lui, qui avait grossi, le visage
rond, ce sourire qui lui venait, ce voile sur les yeux. « Je m’en vais »
avait dit Carlo. Il était allé s’asseoir au café de Turin, ne buvant pas,
renfrogné, avec l’envie de se faire mal, de tordre quelque chose en lui.
    — Lisa veut que tu sois le parrain. Elle te l’a dit.
    Carlo toucha l’épaule de son frère.
    — Il est pas né.
    — Il va naître.
    — Si je suis le parrain, avait dit Carlo, appelle-le
Dante.
    Les mots avaient jaillis, trop tard pour qu’il les reprenne.
    — Dante, disait Vincente, Dante.
    Et il avait ri.
    Dante Revelli était né le 19 avril 1892, rue
Saint-François-de-Paule, dans la maison Merani.
    Vers six heures, le matin, Lisa avait enfoncé ses ongles
dans le poignet de Vincente.
    — Il est là, il est là, murmurait-elle.
    Vincente réveilla Thérèse.
    Elle avait fait chauffer de l’eau cependant que Lisa se
cambrait, son ventre se soulevant, sa ride au milieu du front si profonde. Il
l’avait laissée, courant vers la rue de la Préfecture. Les vendeurs du marché
déchargeaient les charretons venus du Ray, de Gairaut, les charrettes qui
arrivaient de l’autre côté du Var, de Saint-Laurent ou de Saint-Paul. Les couffins,
les cageots s’entassaient près des tréteaux. Des paysannes accroupies devant
leurs paniers sortaient de la paille les œufs frais, et plus loin des femmes de
pêcheurs, renversaient sur de larges feuilles de figuiers, les poissons au
ventre blanc et les poulpes gris dont les ventouses roses s’ouvraient comme des
fleurs. Vincente voyait tout cela, courait, évitant un gamin qui passait
portant sur sa tête protégée d’un chiffon roulé, un plateau de zinc où achevait
de griller, dans l’huile encore chaude, une plaque de socca. Vincente qui
sautait par-dessus un cageot, qui sentait les odeurs de poisson et de l’huile
frite, qui martelait la porte de l’accoucheuse, 10, rue de la Préfecture, la
sage-femme, Madame Cuggia Augusta, Vincente qui repartait en courant, vif,
traversait la cour de la maison Merani, entrait dans la chambre. Et Lisa lui
tendait la main, serrait, serrait, répétant :
    — Il est là, il est là.
10
    Il était là, dans leur chambre, la peau du visage plissée,
et penché sur le berceau, Vincente montrait la ride qui profonde lui partageait
le front. Puis il se recouchait posant sa paume sur le front de Lisa, effaçant
d’une caresse ces rides qu’elle avait.
    — Il te ressemble, disait-il, Thérèse l’a dit aussi.
    Lisa la main posée sur le berceau tiré tout contre le flanc
du lit, ne bougeait pas, lasse, avec ses chairs qui tout à coup semblaient l’envelopper
comme un vêtement trop grand, une robe dont elle eut

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