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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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folle, je le sens, bon, il y
a l’autre, regarde ce que me transmet le préfet, à moi, parce qu’il pense que
je suis votre protecteur à vous les Revelli, il m’avertit.
    Un rapport, fine écriture penchée sur des lignes noires à
peine perceptibles. Carlo qu’on soupçonnait, le premier mai d’avoir collé des
affiches contre la société, sur les murs de la vieille ville, Carlo qu’un
indicateur avait surpris, le jour de la réception de Monsieur le Président de
la République, « proférant avec le nommé Sauvan, anarchiste connu de nos
services, des injures et des menaces ».
    — Tu entends ? disait le docteur, ils sont bien
renseignés.
    On avait vu Carlo sur les marches de l’église du port. Le
président Sadi Carnot écoutait le discours de Monsieur le Maire, le comte
Malausséna, et l’indicateur mêlé à la foule avait noté…
    — Et puis, il y a les journaux qu’il lit, et le Cercle
Libertaire, rue Séguranne.
    Le docteur replia le rapport, le glissa dans sa poche,
frappa de sa canne sur le plancher de la voiture, martelant ses phrases :
    — Tu sais ce qu’il va arriver ? On va l’expulser
et toi avec, Luigi y échappera peut-être, moi je ne peux rien. Réfléchis, vois
ton frère, explique-lui, je ne voudrais pas que tu aies des ennuis, surtout maintenant,
avec Lisa… On rentre, discute avec lui, viens me voir…
    Plus tard, Vincente silencieux, assis sur le bord du lit,
Lisa allongée du côté du mur.
    — Donne-moi ta main, dit-elle.
    Il resta immobile. Elle prit son poignet, posa la main de
Vincente sur son ventre.
    — Tu le sens bouger.
    Entre les hanches, la peau jour après jour se tendait, et
chaque nuit Vincente croyait découvrir un nouveau signe de cette croissance, il
n’osait plus appuyer son corps sur ce ventre, à peine s’il l’effleurait de ses
lèvres : « Tu peux », disait Lisa. Elle paraissait si sûre
d’elle, tranquille alors qu’il était inquiet.
    — Il bouge, dit Lisa.
    Il retira sa main, se leva. Lisa s’appuya sur le coude.
Quand elle était ainsi à demi ployée, on voyait mieux la rondeur de ses formes,
les seins, les hanches mêmes tout son corps s’était gonflé. Lisa observait
Vincente, elle ressentait comme si cet enfant qu’elle portait avait été
Vincente chacune des émotions, des pensées qui pouvaient bouleverser son mari.
Ce soir elle se sentait lourde, nerveuse, il lui semblait que l’enfant bougeait
plus que d’habitude, avec une sorte d’agressivité, lui donnant ce qu’elle
imaginait être un coup de pied.
    Elle se leva. Vincente était à la fenêtre. Cet automne était
chaud, sans un souffle, comme si l’été collait au pays, brumeux, tenace. Lisa
s’appuya au dos de Vincente, prenant son cou entre ses mains, posant sa tête
dans ce creux qu’il avait entre les omoplates carrées, fortes.
    — Parle-moi, dit-elle, tu dois…
    Lui qui s’était juré de ne rien lui dire, au contact de ce
corps tiède, rond, qui devenait une partie de lui, voici que les phrases se formaient
seules, qu’elles se déployaient, graves.
    — Il y a Carlo, disait-il, ce matin le docteur Merani…
    Peu à peu, à chaque phrase, il respirait mieux, comme un
prisonnier qu’on délie, corde après corde. Lisa ne bougeait pas, mais elle
pesait davantage sur lui, c’était comme s’il naissait d’elle, de ce corps dont
un homme allait naître.
    — Viens te coucher, dit Lisa quand il eut terminé.
    Elle l’entraînait, le forçait à s’allonger sur le lit, le
dévêtait lentement, avec la tendresse attentive des mères.
    — Tu sais, disait-elle, ils nous font peur, et si nous
avons peur… Mais je n’ai pas peur, toi non plus ?
    Elle avait ouvert sa chemise de grosse toile, elle se coucha
près de lui, lui caressant la poitrine.
    Vincente se taisait, la main de Lisa si légère comme l’eau
dont on lave une plaie.
    — Laisse, disait Lisa, laisse faire Carlo, il est seul
tu comprends, seul, c’est sa manière à lui, et s’il le fait c’est pas contre
nous. Laisse-le, ne le retiens pas.
    Elle était sur Vincente, lourde, chuchotante.
9
    Carlo attendait l’Anglaise, la belle putain blonde du bordel
de la place Pelligrini. Madame George, la tenancière, ne lui proposait même
plus d’autres filles. Elle s’avançait vers lui, son éventail brodé collé contre
sa poitrine.
    — Je te l’envoie, disait-elle.
    Elle jouait de son éventail, s’éloignait, recommençait sa
comédie, revenait.
    — Mais non, que

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