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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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enfant, il faut si peu pour que la vie penche,
un étai qui manque – et ce peut être un soir parce qu’on oublie de l’embrasser –
un souffle trop violent – et il suffit d’une colère.
    Elle battait l’œuf devant Vincent, elle lui parlait, gestes
machinaux, mots qui s’enchaînent sans qu’on ait à les chercher. Elle pouvait
ainsi penser à Roland, essayer de comprendre pourquoi l’adolescent enthousiaste
qui jouait dans le jardin à Cimiez, qui poussait devant lui Bernard Halphen –
« Tante, il est seul, ils ont pris sa mère, il faut que tu t’occupes de
lui » – était devenu en quelques années cet homme qui semblait plus
vieux que Sam. Rarement un vrai sourire, mais un pli de chaque côté des lèvres,
un masque de plus. Il baissait les yeux quand on le regardait. Il était dans sa
peau comme ces ouvriers aux muscles ronds qui, le dimanche, portent un costume
trop étroit, des souliers noirs pointus. Ils marchent, mal à l’aise, un peu
ridicules et pourtant ils pourraient, en écartant les bras, tendre et déchirer
l’étoffe. Mais ils prennent garde, ils imaginent qu’ils vont dissimuler leurs
origines.
    Que voulait-il cacher, Roland ; quelle cicatrice sinon
celle qu’avaient tracée en lui, profond, Denise et Dante. Violette leur en voulait,
elle leur expliquerait…
    Vincent se levait.
    — Maintenant, lui disait-elle, tu vas aller te coucher.
    Elle essayait de le porter mais il était trop lourd, elle
fléchissait alors qu’il s’accrochait à son cou. Elle entrait ainsi dans
l’atelier.
    Sam était allongé sur le divan, les mains sous la nuque ;
Nathalie, assise sur la couverture, appuyait sa tête au socle de l’une des structures
de bois qui composaient la dernière œuvre de Sam, Alexandre allait et venait
dans l’atelier.
    Sam se précipitait, arrachait Vincent au cou de Violette :
    — Exploiteur ! criait-il, marchand d’esclave. Oh !
salut la compagnie, le roi se couche.
    Il soulevait Vincent à bout de bras.
    — Il pèse, ce petit salaud, ajoutait-il.
    Vincent hurlait de joie, tentait de se dégager :
    — Au lit ! lançait Sam, et il emportait Vincent.
    Violette s’installait sur le divan.
    Le soir, d’habitude, le jeu de Sam et de Vincent l’amusait.
Elle assistait à la scène comme à un événement surnaturel, ce petit bout
d’homme qui était sorti d’elle et qui riait nerveusement, la poitrine tenue par
les mains puissantes du sculpteur, Sam, auquel on ne donnait plus d’âge, figé
semblait-il dans les apparences vigoureuses d’un homme dans l’été de sa vie.
Elle oubliait alors, Violette, que Sam n’était pas le père de Vincent, qu’il y
avait ce mort, l’un de ces personnages qui jouent les utilités, Rafaele Sori,
venu, parti.
    Ce soir elle pensait à Rafaele, à cause de Roland et de
Jeanne, de leurs visages, elle si vulnérable, lui qui s’était sans doute juré
de devenir autre que ce qu’il était, à n’importe quel prix, parce qu’il avait
derrière lui ces dieux déchirés et hostiles, Denise remâchant ses déceptions.
    — Toi bien sûr, disait Denise quand elle rencontrait
Violette, toi, on ne voit pas pourquoi tu ne serais pas heureuse. Il ne
manquerait plus que ça, tout te réussit.
    Dante qui avait accepté, que Violette voyait de moins en
moins. Elle préférait encore l’agressivité de Denise, sa colère, à cette soumission
qu’elle imaginait satisfaite.
    — Qu’est-ce que tu veux, disait Dante, moi, j’ai fait
ce que j’ai pu, hein ?
     
    La dernière fois qu’il était venu à Saint-Paul, Dante avait
été la caricature de lui-même, la politique plein la bouche comme une mauvaise
haleine, une excuse trop facile comme d’autres disent qu’il y a Dieu qui décide
de leur vie. Il racontait, il s’exaltait :
    — Les Américains, vous comprenez Sam, ils ont tout
essayé, même la guerre microbienne, et vous voudriez qu’on n’ait pas réagi
quand le général Ridgway a débarqué à Paris ?
    Il racontait la manifestation, les crosses levées des
gendarmes, les cris : US go home, US go home !
    — Et Roland ? Tu as des nouvelles ? lui
demandait Violette.
    — Il s’est marié, Jeanne est gentille, oh ! pas
belle, mais une fille sympathique.
    Il prenait une cigarette et à cet instant, dans ce silence,
Violette percevait l’inquiétude de Dante, son malaise. Mais au lieu de l’affronter,
il interpellait Sam :
    — Staline, vous et tout le monde disaient : « C’est
lui

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