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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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et de Louise, pour que Violette, tout à coup, ait peur. Si fragile une
vie, elle s’en veut d’avoir désiré cet enfant, de l’avoir poussé dans cette
arène où tant de fauves – et c’est la guerre ou la maladie, ou simplement
l’usure qui peu à peu étouffe – guettent et que peut-on contre eux ?
    Il suffit de si peu pour qu’une vie s’interrompe ou se rate.
    — Il dort ton Vincent, chuchote Sam, va le voir, sinon,
va.
    Il l’oblige à se mettre debout et, gênée, Violette passe
devant Nathalie et Alexandre.
    — Je viens avec toi, dit Nathalie en se levant.
    Elles montent côte à côte les escaliers, puis elles entrent
sur la pointe des pieds dans la chambre de Vincent et elles restent un long
moment penchées au-dessus de son lit, leurs visages si proches, que chacune d’elles
ignore, leurs larmes se mêlant, que l’autre pleure aussi.
21
    Alexandre Revelli avait invité Roland à entrer dans le
bureau et, à contre-jour, au moment où Roland hésitait sur le seuil, Alexandre
avait eu l’illusion, brève, que cette silhouette, haute et maigre dans le cadre
de la porte, était celle de son père.
    L’ombre effaçait le visage, ne restait que l’attitude.
Alexandre se souvenait de son père, placé ainsi alors qu’il était jeune encore,
sur le seuil du bureau, l’épaule frôlant la porte, la tête légèrement penchée
sur le côté. Il reconnaissait cette tension du corps dans le refus provocant de
Roland qui, d’un geste nerveux et bref, montrait les camions dans l’entrepôt,
signifiait que le temps passait, qu’il avait mieux à faire qu’à écouter
Alexandre, qu’il était, lui, l’employé pourtant, maître de ses choix.
Alexandre, comme à chaque fois qu’il affrontait Roland, ici ou sur un chantier,
détournait les yeux, il abdiquait.
    — On se voit demain alors, disait-il.
    Roland, trop déférent, fermait la porte vitrée, s’éloignait,
et l’illusion à nouveau : Carlo Revelli marchait sur le quai, levait les
bras pour appeler les manœuvres. Sans doute était-ce cela qui mettait Alexandre
mal à l’aise ou bien le sentiment que Carlo avait été injuste avec Roland,
qu’il fallait réparer.
    — Mon père, commençait parfois Alexandre.
    Il s’interrompait et Roland, comme s’il n’avait rien
entendu, ouvrait son carnet de charge, disait :
    — Pour Saint-Roch, je mets trois camions.
    Alexandre approuvait, écoutant à peine, pressé de quitter
l’entrepôt, de retrouver son bureau d’études, de laisser Roland décider seul,
puisque le travail était bien fait, que Gili, le directeur, avec un peu d’inquiétude
dans la voix, reconnaissait :
    — Ça, Roland, il a vite appris. C’est pas la fatigue qu’il
craint. Il est comme son oncle celui-là, il en veut. Ah ! Monsieur Carlo,
il le couvait des yeux, Roland.
    L’irritation d’Alexandre, comme une jalousie sourde pour ce
Roland qui avait à peine vingt-cinq ans et auquel Carlo Revelli avait donné, à
sa façon rude, sa dernière affection. Et pour cela, en même temps, la
reconnaissance d’Alexandre, la certitude qu’il devait quelque chose à Roland,
une dette que Carlo Revelli, rapace n’honorait pas.
     
    Puisqu’il était mort, Carlo Revelli, à l’aube d’un dimanche,
face à la ville, sur la plus haute terrasse de sa propriété, au milieu des
arbres. Sa fille Mafalda avait retrouvé près de lui, couché contre son corps,
le « magao », au manche usé, dont il essayait encore de se servir
chaque matin, griffant entre les troncs la terre qu’il ne pouvait plus creuser.
    Il posait sa canne contre l’un des arbres, marchait en s’appuyant
à la bêche, et sans la lever, il la traînait, traçant les lignes des sillons,
éraflures zigzagantes qu’il obligeait souvent ses petits-fils, Robert Merani ou
Yves, à reprendre, à approfondir.
    Il était d’abord tombé à genoux et sur ses pantalons noirs
la terre avait laissé deux traces rougeâtres. La même couleur sale teintait les
paumes et les coudes, car il avait dû vouloir se redresser, mais il avait roulé
sur le côté.
    Mafalda l’avait découvert couché sur le dos, les yeux face
au soleil, nu-tête, la nuque blanche contre la terre, parce que le chapeau
avait glissé.
    Quand Alexandre était arrivé à Gairaut, Carlo Revelli avait
déjà été porté sur son lit. Le médecin avait déboutonné le gilet, ouvert la
chemise. Assis, il rédigeait le permis d’inhumer.
    Alexandre vit d’abord la peau dans la

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