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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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déjeuner tous les dimanches ?
demandait-elle à Jeanne comme elles atteignaient la Promenade des Anglais. Ma
mère, c’est une louve, elle va vous dévorer. Le retour d’âge la met en appétit.
Ces femmes qui n’ont pas eu le courage de faire ce qu’elles désiraient, quand
elles perdent la jeunesse, c’est horrible. (Elle ajoutait après un silence.) Je
l’aime bien.
    Elles s’asseyaient face à la mer.
    — Tu ne fumes pas ? demandait Christiane.
    Jeanne hésitait puis acceptait la cigarette que sa
belle-sœur lui tendait.
    — Tu t’en vas ?
    — Ouf, disait Christiane. Je les aime bien, mais, ouf.
Mon père…
    Elle parlait de Dante Revelli, elle aidait Jeanne à mieux le
connaître, à découvrir ce qu’il avait laissé en Roland, cet enthousiasme
parfois, ce goût du travail, la révolte aussi. Mais ces ferments avaient séché.
    — Roland est intelligent, continuait Christiane, et
égoïste, comme ma mère. Lui, lui toujours lui, l’enfant royal. Je le connais
bien, mieux que toi.
    Elles riaient toutes les deux, se levaient, marchaient vers
le port.
    — Je n’aime pas Nice, disait Christiane, je suis
heureuse de partir. Les gens sont ici pour se distraire, ou survivre. On a
presque honte de travailler. Mon père, dans une autre ville, aurait été différent,
mais ici, les pauvres se cachent, il faut paraître. Tu as vu ces constructions ?
    On commençait, sur les hauteurs, au-dessus du port, à élever
les bâtiments aux façades blanches, aux entrées revêtues de marbre.
    — Le rêve de ma mère, disait Christiane, le marbre.
Elle n’a pas de marbre chez elle et c’est le malheur.
    Elles traversaient à nouveau la cour de l’Hôtel Impérial. Christiane poussait la porte, lançait :
    — Nous voilà, vous ne nous avez pas attendues, j’espère ?
    Le silence.
    — Ta mère est sortie, disait Dante. Je lis un peu.
    Roland passait devant Jeanne sans la regarder. La guerre
comme à chaque fois. Il mettait le scooter en route et Jeanne embrassait
Christiane qui murmurait :
    — Oblige-le à ne pas revenir dimanche, oblige-le.
    Mais il aurait fallu extirper de Roland ce qu’il était, et
Jeanne renonçait. Cependant qu’il conduisait, elle entourait sa taille, le vent
la contraignant à fermer les yeux, à parler dans l’oreille de Roland.
    — Elle est intelligente, Christiane, disait-elle. On
s’entend bien.
    — Prétentieuse, criait Roland, elle croit parce qu’elle
étudie…
    Il accélérait, faisant un long détour par Cimiez, Gairaut,
ralentissait devant la propriété de Carlo Revelli.
    — Un jour, disait-il, moi aussi, je serai là, moi
aussi.
     
    En rentrant, un dimanche d’avril 1956, ils ont trouvé la
convocation.
     
    Revelli Roland, classe 52/2, placé en position de
disponibilité est en vertu de… rappelé sous les drapeaux… devra dans les
conditions prévues par… sous peine des sanctions… rejoindre son corps… se
mettre en rapport…
     
    Si longue la nuit sans la respiration de Roland, si vide
l’entrepôt sans sa silhouette, sa voix.
    — Ne vous inquiétez pas, disait Alexandre (il posait la
main sur l’épaule de Jeanne), on ne se bat pas vraiment. Et puis on ne les gardera
pas, Guy Mollet à la télévision l’a bien précisé. Vous avez déjà vu une
émission ? Venez à Saint-Paul, un soir, vous passerez le week-end avec
nous.
    Il l’attendait à la sortie de l’entrepôt, et Jeanne
s’asseyait dans la voiture, intimidée, gênée d’être vue par les filles du
bureau avec le grand patron. Pendant une longue partie du trajet, elle se
taisait, regrettant d’avoir accepté, soucieuse de ne pas dévoiler ce que Roland
voulait dissimuler, cherchant pourtant à le servir quand peu à peu, Alexandre
continuant de l’interroger, il fallait bien qu’elle réponde, qu’elle dise :
    — Tous les matins il travaille, des cours par
correspondance, une école de Travaux publics, nous ne sortons jamais.
    Maintenant c’était Alexandre qui demeurait silencieux
cependant qu’ils quittaient le bord de mer, découvraient les premiers lotissements
qui, au delà de Cagnes, gagnaient peu à peu vers le vieux village.
    — Il y a beaucoup d’avenir pour quelqu’un comme Roland,
disait Alexandre, il est jeune. À son retour, je vais lui donner des responsabilités
plus larges. C’est un Revelli, n’est-ce pas ? Vous aussi Jeanne.
    Nathalie et Sonia l’embrassaient. Yves, qui commençait des
études de médecine à Marseille, lui

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