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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Merani, avec lui, on trouvera que je vais trop loin. Pour ta
carrière.
    — Il n’a pas encore posé de bombes – le docteur
pliait les journaux. Il a un peu la tête chaude, tout ça n’est pas bien grave,
pour le moment.
    Le docteur se levait, s’étirant.
    — Tu y tiens ? demanda-t-il.
    — Je voudrais, dit-elle, mais je vais peut-être trop
loin, ce sont des domestiques, on ne sait pas.
    Le docteur regarda sa montre.
    — Ils voteront ma chère, comme toi, comme moi, nous
sommes en République.
    Madame Merani le suivit dans le couloir. Elle tordait son mouchoir
entre les doigts.
    — Tu sors, Joseph ?
    Il prenait son chapeau, sa canne, tirait sur son gilet.
    — Je vais faire quelques pas.
    Il avança les lèvres, elle tendit sa joue.
    — Si cela te fait plaisir, dit-il, vraiment ne
t’inquiète pas.
     
    Le docteur marcha lentement dans la rue Saint-François-de-Paule,
vers le jardin public et le Casino de la jetée. Deux ou trois soirs par
semaine, il sortait ainsi, seul, et il avait la sensation, alors de respirer et
de voir mieux, comme s’il recouvrait des sens engourdis. Il s’attardait dans
les allées, reconnaissant les odeurs encore douces des lauriers et les senteurs
de pins. Peu de voitures devant le Casino de la jetée. Il rentra cependant,
laissant sa canne et son chapeau au vestiaire, faisant le tour des salles,
échangeant quelques mots avec la comtesse d’Aspremont.
    — J’ai perdu, encore, je perds toujours, disait-elle.
    Elle parlait au docteur mais en même temps elle regardait la
salle, ses yeux gris, mobiles, que couvraient les mouvements rapides, ininterrompus
des paupières comme si elle avait voulu masquer leur avidité.
    — Mon cher Député.
    Elle prit Merani par le bras, le serra. Plus grande que le
docteur, ses gestes autoritaires, sa voix, avaient peut-être par l’absence de
fragilité, de faiblesse, quelque chose de masculin. Elle se penchait vers le
docteur.
    — Mon cher Député, est-ce que votre République va
continuer à nous laisser assassiner par ces anarchistes ? En plein Paris.
Jamais un souverain, vous m’entendez, jamais, il n’aurait permis cela, mais
comment s’étonner…
    Elle abandonna Merani, lui fit un signe de la main.
    — Après tout, dit-elle, en revenant vers lui, vous êtes
député comme Robespierre.
    Elle rit, s’éloigna, saluée par l’un de ces hommes encore
jeunes qui portaient des vêtements clairs, des cravates de couleurs vives. On
disait à Nice que la comtesse chaque soir renouvelait son compagnon, le
choisissant parmi les serveurs, les portiers ou les dandys ruinés par le jeu. « Mais
docteur, murmurait le portier, elle préfère les petits jeunes, elle leur donne
quatre, cinq francs, elle les garde un jour ou deux, pas d’histoire avec eux,
et pas question qu’ils refusent de monter avec elle, elle va voir le directeur
s’il le faut. »
    Le docteur Merani écoutait le portier distraitement,
hésitant sur ce qu’il allait faire, puis il se dirigea vers la place Masséna,
prenant l’avenue de la Gare que ne parcouraient que quelques voitures. Une ou
deux semaines encore et la ville neuve, sur cette rive droite du Paillon,
paraîtrait déserte. Les commerçants de l’avenue, de la rue de France ou du quai
Saint-Jean-Baptiste, partiraient, leur saison niçoise finie, pour Vichy ou
Deauville. Les cochers feraient eux aussi le voyage par petites étapes, ne
revenant qu’au mois d’octobre. Et les rues, avec les vitrines protégées par des
planches clouées, une petite affiche manuscrite annonçant la date de
réouverture, seraient livrées au soleil droit des mois d’été.
    Le temps viendrait de la Maison de Gairaut, des crépuscules
qui n’en finissent plus, des cigales stridentes dans ce plein de la journée,
quand la maison se ferme comme une huître, volets et portes closes retenant
l’ombre, que dehors le gravier blanc semble craquer sous la chaleur et Laure
qui dort, le sommeil entrecoupé de soupirs, d’interrogations « Joseph,
Joseph », et il faut répondre, sinon elle se lève, se penche sur l’épaule
pour savoir ce qu’il lit.
    Encore un été qui s’avance avec ce tête-à-tête interminable.
Il faudrait trouver une mission à l’étranger, une délégation parlementaire en
Russie, n’importe où.
    Merani était à nouveau préoccupé, ne voyant plus cette
terrasse du café de la Maison dorée où il comptait pourtant s’asseoir un
instant au milieu des touristes anglais, il

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