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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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sur les chantiers ou le soir dans les quartiers de
l’est ou du nord. Le yacht du prince de Galles, le Britannia était
depuis le 20 mars amarré au port de Nice et il fallait redoubler de précaution,
faire sentir à ces vieux chevaux, qu’on ne les lâchait pas, que le Commissaire
tenait les rênes et qu’il savait. Le Ministère avait multiplié les dépêches, le
procès d’Émile Henry, ce « fou meurtrier » devait s’ouvrir à Paris et –
précisait une note confidentielle signée du directeur du Cabinet du Ministre –
tous les policiers savent que le crime et les attentats sont une maladie
contagieuse. Émile Henry tel que l’ont décrit les journalistes toujours prêts à
vanter les mérites d’un criminel – et pas seulement ceux qui écrivent dans
les feuilles anarchistes – peut apparaître aux yeux de certains exaltés
comme un justicier se sacrifiant pour la cause. L’attentat commis au café
Terminus par son horreur fascinera la tourbe des déclassés et des maniaques. Il
faudra donc que les policiers chargés de ces problèmes veillent avec un soin
particulier au maintien de l’ordre républicain. La période du procès – qui
devrait s’ouvrir courant avril – pourrait être choisie par les anarchistes
pour des actions d’éclat. »
    Ritzen se mit donc en chasse. Il ne faisait jamais asseoir
ceux qu’il interrogeait. Il les regardait longuement, attendant que le besoin
de parler les prenne, mais Lambert, Sauvan, se taisaient. Sauvan s’appuyait au
mur, méditatif, ironique, défiant Ritzen et c’était le Commissaire qui disait :
    — Voyons Sauvan, je ne savais pas que tes idées te
conduisaient à fréquenter les barons russes ? Ah vous êtes curieux vous
autres.
    Le charpentier ne bougeait pas, mais quand le Commissaire
s’interrompait, il répondait d’une voix très calme :
    — Monsieur le Commissaire, vous m’avez fait quitter le
chantier, vous n’avez pas le droit, je vais prendre un avocat, je dois gagner
ma vie, l’État ne me paie pas, monsieur le Commissaire.
    — Demande à ton ami le baron Karenberg.
    D’un geste Ritzen signifiait à Sauvan qu’il pouvait foutre
le camp. Et il passait à un autre de ces messieurs. Il eut du mal à trouver
Carlo Revelli. À la pension Oberti on ne savait rien, Sauvan avec nonchalance
avait répondu que Revelli travaillait chez Forzanengo, à la couverture du
Paillon. Mais les travaux étaient achevés depuis plusieurs mois. C’est une
demande de renseignement de la gendarmerie de Drap, une petite bourgade de la
vallée du Paillon, à une dizaine de kilomètres à l’est de Nice qui mit Ritzen
sur la piste de Carlo Revelli. Le Piémontais venait d’acheter un terrain qui
dominait la rivière, un flanc sec et rocheux de colline, il vivait dans une
cabane et demandait le droit afin d’exploiter une carrière de posséder des
explosifs. Pour Ritzen tout devint clair : les anarchistes avaient donné
l’argent à Revelli et ainsi ils se procuraient de quoi fabriquer légalement
leurs bombes. Là, enfin, il tenait une piste.
    Un matin, il partit pour Drap en voiture. Le cocher menait
bon train, longeant la rive gauche du Paillon, s’enfonçant dans cette large
vallée qui, entre les pentes caillouteuses avec souvent des terrasses plantées
d’oliviers, roulait des eaux terreuses. Il avait plu depuis plusieurs jours
dans l’arrière-pays, de lourds orages qui ruisselaient, creusant le sol
pierreux, arrachant le limon, mettant parfois à nu les racines écorchées des
arbres. Mais ce matin-là, le ciel était une tente bleue tirée sur l’arc des
cimes.
    À la Trinité-Victor, Ritzen s’arrêta à la gendarmerie et
requit un brigadier pour l’accompagner jusqu’à Drap. Il avait en mémoire l’arrestation
d’Émile Henry telle que l’avait rapportée les journaux, l’homme tirant des
coups de feu sur ses poursuivants après qu’il eut jeté sa bombe, dans la salle
du café.
    Passé la Trinité-Victor, la route montait plus vite entre
des platanes. Le paysage était aride, les arbustes clairsemés, les oliviers
rares.
    — C’est pauvre, dit Ritzen au brigadier.
    — Ils abandonnent tous la terre, dit le gendarme.
    Il s’appuyait sur son sabre laissant aller son corps selon
le mouvement de la voiture.
    — On dirait l’Algérie, continua-t-il. Ça n’intéresse
plus que les macaronis, eux, ils ont faim, ils sont trop nombreux en Italie,
ils prennent notre place ici. Ils sont travailleurs, on ne

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