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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Ritzen.
    — Moi ?
    — Et dépêche-toi.
    — Je travaille.
    — Dépêche-toi.
    Le brigadier s’était avancé.
    — Écoute monsieur le Commissaire, dit-il à Revelli.
    Carlo posa son marteau, alla jusqu’à un tonneau rempli
d’eau, s’aspergea le visage, se lava le torse, les avant-bras avec une lenteur
que Ritzen trouvait insupportable. Mais il se contenait, transpirant maintenant
que le soleil frappait la carrière, réfléchi par la pierre, séchant l’air,
plaquant sur le sol une lumière blanche, couleur du métal qui va fondre.
    — Passe devant, dit Ritzen.
    Carlo sa veste pliée sur le bras, la chemise au col ras
serrant la peau brique où les veines traçaient leurs sillons comme d’épaisses
nervures, regardait Ritzen.
    — C’est pas juste, dit Carlo.
    — C’est moi qui décide de ce qui est juste, dit Ritzen,
pas toi.
    Et de sa paume il poussa Carlo vers le sentier.
    Revelli passa l’après-midi et la nuit au commissariat
principal. Ritzen avait vérifié ses activités dans les derniers mois, examiné
les enquêtes en cours, il n’avait rien trouvé. Forzanengo regrettait Revelli
qu’il avait voulu nommer contremaître et qui avait travaillé dur, pendant tout
le chantier. « S’il veut, il n’a qu’à se présenter, je l’embauche tout de
suite », disait Forzanengo.
    À l’aube un gardien avait secoué Carlo qui s’était endormi
sur l’un des bancs de la salle de police.
    — Tu peux partir.
    Carlo se releva, il prit sa veste qu’il avait roulée en
boule sous sa tête.
    — Allez, dehors.
    Nuit encore. Deux tombereaux, leurs conducteurs debout les
rênes passées dans la saignée du coude, s’interpellant, traversent la place du
Palais. Il a dû pleuvoir, les becs de gaz se renvoient des lueurs jaunes qui
rebondissent en se brisant sur des flaques aux contours indécis que l’obscurité
efface.
    Fils de putain. Carlo crache. Ils peuvent tous s’y mettre,
tous armés de haches, il ne dira rien. C’est lui qui restera debout. Ils laisseront
tomber la cognée. Et un jour je lèverai la hache et ils se fendront au premier
coup. Les paysans, sur le marché du cours Saleya, déchargeaient les cageots de
légumes et, battant la cadence, couvrant leurs voix et les bruits, le ressac de
la mer proche. Carlo dans un des cafés déjà ouverts le long du marché mangea
l’une de ces soupes épaisses du matin, à peine tiédie, les légumes entiers, morceaux
de pommes de terre et haricots rouges et dans laquelle on brise le pain. Des
paysans, des charretiers, étaient assis à la table commune, silencieux, graves
même. Quelqu’un secoua Carlo qui sursauta.
    — Tu t’endors, Revelli ?
    C’était Cauvin, le fermier des Merani, qui s’asseyait près
de Carlo, l’interrogeait en attendant qu’on le serve.
    — Vincente m’a dit que tu as acheté ? Qu’est-ce
que tu vas faire ? Du sable ? Tu as raison, ils construisent partout.
À vous trois les Revelli vous pouvez en abattre du travail dans une journée.
    Carlo s’essuya les lèvres en se levant.
    — Je reste seul, dit-il.
    Seul il avait sauté la grille cependant que le chien
aboyait, là-bas, près de la maison du gardien. Seul il remontait à Drap,
faisant un signe à un charretier qui retenait son cheval, le laissait grimper.
Seul il savait ce que cela voulait dire, toucher cet olivier, le premier, dressé
après le coude du chemin muletier quand on apercevait, enfin, le hameau de
Darbella. Prendre une olive, déchirer cette pulpe âcre et savoir qu’on peut
couper cet arbre si on le veut, qu’il est à soi. Comme les pierres de la
carrière. Comme tout ce que Carlo voit quand il s’assied, qu’il serre un bloc
entre ses cuisses et qu’il regarde devant lui l’échancrure jaune dans le flanc
de la colline et la mince couche de sol brun qui la couronne. Il prend le
marteau. Il frappe. Et chaque coup est à lui, chaque grain de ce sable lui appartient.
Et il frappe jusqu’à ce que la fatigue le plie, sa tête retombant sur le bloc,
il donne quelques derniers coups et souvent le marteau glisse, l’ongle éclate
sous le coup, la douleur bleue, violette, noire, jaillit jusqu’à l’œil. Il se
lève, il trempe le bras dans l’eau saumâtre du tonneau. Il secoue son bras,
comme s’il voulait que la douleur tombe avec les gouttes. Il monte, longeant la
lèvre de la carrière, s’accrochant aux figuiers, aux arbustes, il atteint ainsi
le sommet de la colline, où la nuit semble dissipée par la

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