No Angel
responsables – mais jouissent de la sanction officielle de ces dernières et font essentiellement ce qu’on leur demande. À l’époque, les autres clubs d’Arizona associés aux Hells Angels étaient les Spartans et les Lost Dutchmen, mais les Red Devils étaient les plus dangereux et les plus nombreux. Leur activité principale consistait à fournir des hommes de main aux Angels dans des affaires de coercition, de recouvrement de dettes et d’extorsion.
Tout cela rendait Rudy très utile, mais son passé agité comportait encore un autre aspect qui, à nos yeux, le rendait indispensable. C’était un membre inactif d’un gang mexicain de motards, les Solo Angeles, basés à Tijuana. Les Solos avaient au total une centaine de membres et étaient faiblement représentés dans la région de San Diego et de Los Angeles.
Nous savions que les Hells Angels étaient paranoïaques, mais nous savions aussi qu’ils se sentaient plus en sécurité que les autres clubs. Si nous les avions contactés directement, en nous présentant comme des voyous ordinaires, ils ne se seraient pas intéressés à nous ou, dans le meilleur des cas, se seraient montrés très méfiants. Il fallait qu’ils nous invitent chez eux. C’était une question de respect. C’était universellement admis, dans les cercles de motards, aussi évident que le bleu du ciel.
Le plan consistait à charger Rudy de créer un groupe de Nomads des Solo Angeles en Arizona. Nous serions ensuite la bande de Rudy. L’origine mexicaine du club cadrait parfaitement, puisque beaucoup de gens savaient que je vendais des armes au sud de la frontière. Comme nous serions des Solo Angeles Nomads, nous n’aurions pas besoin d’être affiliés à un chapitre établi et, par conséquent, les membres existants ne pourraient se mettre en travers de notre chemin. Ce serait également le moyen de préparer le terrain d’une inculpation dans le cadre de la loi relative à la lutte contre le crime organisé, puisque cela démontrerait que les Angels contrôlaient les clubs hors la loi d’Arizona. Cette solution ne présentait donc que des avantages. Rudy serait notre président. Carlos serait un membre à part entière. Pops, mon collaborateur extérieur de confiance, serait un prospect* {15} , de même que Billy « Timmy » Long. Et moi, Jay « Bird » Dobyns, je serais vice-président des Solo Nomads.
Avant de commencer, je devais faire la connaissance de Rudy. Slats me donna rendez-vous à l’Embassy Suites de Sky Harbor, l’aéroport international de Phoenix.
Rudy ignorait pratiquement tout de moi. À dessein, Slats ne lui avait pas dit que j’étais un agent fédéral. Il fallait que son opinion sur moi, lors de notre première rencontre, soit aussi dénuée de préjugés que possible.
Je me rendis à l’hôtel avec ma Harley-Davidson Panhead de 1963. La voiture de Slats était devant. J’étais habillé comme d’habitude. Je ne portais pas d’arme visible.
Je frappai à la porte de la chambre 11. Des pas retentirent et le battant s’ouvrit, faisant pénétrer un flot de soleil dans la chambre obscure. Slats, la main sur la poignée, me fit entrer.
Un homme trapu, aux cheveux châtains courts et portant des lunettes de soleil enveloppantes, était assis à la table ronde située à droite de la porte. Il avait une moustache bien taillée, dont visiblement il était fier, et une touffe triangulaire de poils châtains sous la lèvre inférieure. De longues rides horizontales d’inquiétude barraient son front. Il portait un maillot de corps noir. Toute la partie supérieure de son corps, bras et cou inclus, était tatouée.
Je me tournai vers lui et fourrai une cigarette non allumée entre mes lèvres. Il recula sa chaise et se leva. Pendant quelques secondes, on prit la mesure l’un de l’autre.
— Je m’appelle Bird.
— Rudy.
Je tendis la main et il la prit. La pression fut dévastatrice. Il regarda les tatouages de mes épaules et de ma poitrine. Il ne lâcha pas ma main. Je ne lâchai pas la sienne.
— Où tu as purgé ta peine ? Pour quoi ils t’ont coincé ?
Je souris à Slats et me tournai à nouveau vers Rudy.
— Mon vieux, on m’a jamais coincé et j’ai jamais fait de taule.
Nos mains ne cédèrent pas, mais elles devaient être douloureuses toutes les deux. En tout cas la mienne l’était.
— Dans ce cas, qu’est-ce que tu fous avec ce type ?
— Je sais pas ce que le boss t’a raconté sur moi,
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