No Angel

chaise et montra du doigt les tatouages de mon torse.
    — Merde, mec, tu crois que j’ai pu tenir le choc jusqu’ici sans pouvoir expliquer mon saint Michel ? je suis le type qui a l’épée à la main, le dragon est mon addiction à la came et je tue ce fils de pute. Je tombe pas de la dernière pluie, Kramer, te bile pas.
    Satisfait, il grogna. Puis il écarta les rideaux.
    — Et ça ?
    — Ma moto ?
    — Ouais.
    — Qu’est-ce qu’elle a ?
    — Elle a l’air d’aller, mais elle soutiendra pas le rythme des types qu’on va fréquenter.
    — Je soutiendrai le rythme.
    — Pas avec une Panhead crevée, pas question. Tu es peut-être l’as de l’infiltration, mais je suis l’as de la moto, donc apprends.
    — Je peux pas te contredire là-dessus, mec, je peux pas.
    Et je ne le fis pas.

 
 
TROISIÈME PARTIE
 
 
LE MILIEU

7
 
TOO BROKE FOR STURGIS {16} , OÙ TIMMY APPRIT L’ART DE SERVIR LA CHOUCROUTE
    Juin-juillet 2002
     
    Juin et l’essentiel de juillet furent consacrés à la mise en place de notre couverture.
    Après avoir officialisé notre chapitre des Solos, Rudy se mit au travail dans l’Arizona – Pops et lui durent se rendre deux fois à Tijuana pour régler les cotisations et tout organiser. Il fit du trafic de meth avec Tony Cruze et reprit contact avec Bad Bob. Il dut répondre à des questions liées à la situation et à la politique. Les Angels se demandaient pourquoi, tout d’un coup, Rudy avait une telle envie de s’installer dans l’Arizona. Il répondit que c’était à cause de la proximité du Mexique, où son club était basé et où ses gars – c’est-à-dire nous – faisaient « des affaires » – notre faux trafic d’armes. Ils voulurent aussi savoir ce que nous pensions des Mongols. Rudy affirma que les Solos n’avaient pas de position officielle à l’égard des Mongols, mais que nous ne les appréciions pas du tout. Il dit à Bad Bob que nous serions heureux de surveiller la frontière, à Nogales, pour le compte des Angels, et de les avertir si les Mongols s’y pointaient. Bad Bob réfléchit.
    Le 13 juillet, Bad Bob proposa à Rudy un accord dont il garantissait l’officialisation lors de la prochaine réunion des responsables des Hells Angels : nous serions autorisés à opérer dans l’Arizona si nous acceptions de ne pas porter l’insigne de l’Arizona – cet honneur était réservé aux seuls Hells Angels – et si nous les soutenions dans le conflit qui les opposait aux Mongols. En outre, nous ne serions pas mariés aux Angels comme l’étaient les Red Devils ou les Spartans : nous aurions leur soutien et les traiterions avec le respect qui leur était dû, mais nous ne serions pas un club marionnette.
    Tandis que Rudy assurait notre position, nous mettions sur pied un gang de motards crédible. On fit réviser les motos et on fignola nos couvertures. Christopher « Cricket » Livingstone, agent de l’ATF et bras droit de Slats dans le cadre de l’opération, prit le blouson de Rudy pour modèle et persuada sa mère de confectionner les insignes qui seraient ensuite cousus sur nos blousons en cuir flambant neufs. Les couleurs* de notre club étaient orange sur fond noir et tous nos insignes furent cousus avec du fil couleur citrouille. Ceux du devant, petits rectangles et losanges collectivement appelés « flash », étaient essentiellement des sigles : SFFS (Solos Forever, Forever Solos), IIWII (It Is What It Is) et FTW {17} (Fuck The World, l’un des préférés des motards). Sur le dos, nous portions notre insigne en trois parties : la partie centrale, ronde, représentait une moto orange, la partie supérieure indiquait SOLO ANGELES et la partie inférieure TIJUANA. En outre, sur le côté, un insigne précisait : NOMADS.
    Nous étions prêts.
     
    Le calendrier de tout passionné de moto comporte de nombreux rassemblements, et les Solos voulaient fêter leur création par leur participation à une manifestation importante, réputée, mais aussi susceptible de faire connaître leur existence au plus grand nombre. Notre choix se porta sur Too Broke for Sturgis. Ce rassemblement se déroulait à Mormon Lake et tous les clubs pouvaient y participer.
    L’après-midi précédant notre départ, Slats me dit qu’il fallait qu’on parle. Pendant les semaines précédentes, nous avions eu de nombreuses réunions au cours desquelles nous avions évoqué les détails, les méthodes, la situation générale, et