No Angel

géocoucous de ne pas approcher. Je jardinai, nettoyai la piscine, bouchai un trou du toit. Les nuits étaient chaudes et nous dînions sur la terrasse.
    La semaine suivante, j’allai à Phoenix, où je rencontrai Joe Slatalla. Il m’avait téléphoné et demandé si je souhaitais participer à son opération visant les Hells Angels. Nous n’avions jamais travaillé ensemble, mais nos épouses étaient amies et nous nous connaissions. J’étais considéré comme un agent infiltré accompli, mais Slats était un gourou renommé de grosses opérations. Il avait travaillé dans les années 1980 et 1990 à Detroit – le Vietnam des forces de l’ordre fédérales –, puis à Phoenix et à Miami. Il était récemment revenu à Phoenix et cherchait un défi à la mesure de son dynamisme et de ses compétences.
    On se retrouva au Waffle House du carrefour de Baseline et de l’I-10. On prit des gaufres à la noix de pécan, des œufs sur le plat, des saucisses et du café brûlant. La salle sentait la graisse de bacon chaude, le sirop d’érable et le détergent industriel.
    Il dit qu’il avait suivi l’opération Riverside, que nous faisions du bon travail, Sugarbear et moi. Je répondis que celle qu’il dirigeait à Phoenix semblait prometteuse.
    Il prit une bouchée de saucisse. La graisse coula sur sa fourchette et son menton.
    — Elle est devenue vachement plus prometteuse encore. Ces crétins ont vraiment déconné, à Laughlin.
    Je trempai un morceau de gaufre dans un jaune d’œuf. Il but du café et expliqua que les Hells Angels avaient joué leurs cartes et les avaient mal jouées, qu’ils nous avaient pratiquement forcés à monter au créneau et à attaquer le gang de motards le plus nuisible et le plus infâme du monde.
    Je posai ma tasse de café. Je savais qu’il avait raison.
    — Alors ?
    — Alors quoi ?
    — Alors de quoi s’agit-il ?
    — Tu es dans une situation exceptionnelle.
    Il piqua un morceau de beignet de pomme de terre avec sa fourchette, le trempa dans un mélange de ketchup et de Tabasco.
    — L’opération Riverside marche toute seule. Tu obtiendras de bons résultats. Je voudrais que vous me rejoigniez tous les deux. Tu dirigerais l’ensemble de l’infiltration et Sugarbear s’occuperait de sa ramification dans le Nord.
    — Je ne peux répondre que pour moi, mais ça paraît vachement tentant.
    Il fourra le morceau de beignet de pomme de terre dans sa bouche. Il reprit la parole sans avoir avalé.
    — Tu acceptes ? Tu me rejoindras ?
    — Mec, tu n’as qu’un mot à dire et j’en suis.
    C’était à peine si j’arrivais à croire que j’allais travailler avec Joe Slatalla. J’étais moins impressionné qu’enthousiaste. Je savais que, si nous bossions bien, ce serait une opération qui ferait date.
    — Bien.
    Il fit signe à la serveuse, qui semblait plutôt avoir envie de jouer à la belote. Je demandai :
    — Quel est le plan ?
    Avant de répondre, Slats commanda un Coca Light avec du citron. Il regarda la serveuse s’éloigner. Puis il se tourna vers moi, un sourire entendu aux lèvres.
    — Ne t’en fais pas. Tu vas adorer.
     
    Slats constitua l’équipe et l’opération débuta fin mai. Carlos Canino, agent spécial de l’ATF, vieil ami et équipier, qui nous fut prêté par le bureau de Miami, et Billy « Timmy » Long, détective expérimenté de la police de Phoenix, seraient infiltrés en même temps que moi. En outre, deux informateurs très différents travailleraient avec nous. Le premier était Rudy Kramer, que Slats avait retourné. Le second n’était connu que sous le nom de Pops. Collaborateur extérieur plus qu’informateur, c’était un homme d’une cinquantaine d’années, un ancien voyou avec qui j’avais travaillé à de nombreuses reprises.
    J’avais fait la connaissance de Pops en 1996, par l’entremise d’enquêteurs de l’Office of Special Investigations (OSI) de l’Armée de l’air. À cette époque, Pops n’était qu’un informateur ordinaire qui fournissait des renseignements en échange d’une certaine clémence sur le plan juridique. Pops collaborait avec l’OSI sur une affaire de cambriolages – une bande qui s’attaquait aux maisons des particuliers – dans laquelle un officier de l’Armée de l’air était impliqué. Pops prenait alors beaucoup de meth. C’était un camé dont la vie aurait aisément pu se terminer en prison ou dans un fossé. L’affaire de l’OSI eut une