No Angel
Angels devenaient ma famille et, même si je leur avais dit que je devais partir pour une affaire de recouvrement, ma disparition pendant les vacances de fin d’année risquait de susciter une méfiance inutile. Mais les enfants étaient fous de joie, parce que nous partions ensemble, donc je ravalai mon dépit et pris sur moi. Si je ne parvenais pas à m’amuser vraiment, je feindrais de le faire.
Nous devions partir le 20. Nous avions quelques jours pour nous préparer.
Pour Noël, la famille Dobyns organisait sa collecte de vêtements et de jouets. Les enfants empilaient leurs vieux vêtements sur la table de la salle à manger. Ils devaient aller dans leur chambre et choisir au moins huit jouets qu’ils donneraient. Cette tradition ne les enchantait pas, mais c’était une bonne leçon de charité. Quand tout était réuni, nous en faisions des paquets et, la veille de Noël, allions les remettre au centre de dons de l’église. Tous les ans, je leur disais :
— Ne vous en faites pas, les enfants, ça vous permettra de vous sentir mieux quand vous serez grands.
Ils me faisaient assez confiance pour me croire.
J’avais demandé à Pops s’il voulait être le premier à choisir. Il gagnait pas trop mal sa vie, mais les collaborateurs extérieurs ne font pas fortune, surtout au sein de l’ATE. Je lui dis que je ne voulais pas le vexer, mais il me répondit qu’il était prêt à tout pour que ses filles soient plus heureuses. Je promis de lui apporter des trucs chouettes. Dale m’aida ; elle eut la gentillesse d’ajouter deux animaux en peluche neufs, des CD encore dans leur emballage et du maquillage. Elle tint à faire des paquets cadeaux, ce qu’on fit.
J’allai seul chez Pops le 19. Visite brève. On se donna l’accolade dans la cour. Il demanda à sa femme et à ses filles de sortir. Je serrai affectueusement sa femme dans mes bras et me penchai pour dire bonjour à ses deux filles, jolies et intelligentes. Je savais qu’elles travaillaient bien à l’école, qu’elles étaient toujours polies et soignées.
Les filles dirent « merci Jay » et emportèrent les paquets. La femme de Pops me souhaita un joyeux Noël puis les suivit. Pops glissa la main sous son coupe-vent et sortit un CD. Il n’était pas enveloppé. Il me le donna. Je fus un peu gêné. Je ne lui avais pas apporté de cadeau… je n’y avais même pas pensé.
— Merci.
— De rien. Écoute la troisième chanson. Elle me fait penser à toi et moi.
On se donna à nouveau l’accolade, on se souhaita joyeux Noël et je m’en allai.
Le nom du groupe, 3 Doors Down, était écrit au marqueur sur le CD. La liste des chansons était indiquée sur une feuille de papier. La troisième s’intitulait : « Be like that ». Je le glissai dans le lecteur et appuyai sur le bouton en entrant sur l’autoroute.
C’était une ballade. Elle commençait par un riff de guitare et le chanteur faisait une entrée discrète. Elle se déployait lentement en un ensemble de batterie, de martèlement de basse et de fracas de cymbales, puis s’apaisait à nouveau au refrain. C’était une bonne chanson. Le chanteur s’interrogeait :
Il passe ses nuits en Californie,
Regarde les étoiles sur le grand écran.
Puis, couché, il ne peut pas dormir et se demande :
Pourquoi n’est-ce pas moi ?
Parce que, dans sa vie, il est plein de bonnes intentions.
Il a abandonné des tas de choses qu’il préfère taire pour le moment.
Mais, juste avant de dire bonne nuit,
Il me regarde avec un petit sourire et dit :
Si je pouvais être comme ça
Je donnerais tout
Pour une journée
À leur place.
Si je pouvais être comme ça, que ferais-je ?
Que ferais-je ?
Je me mis à pleurer.
Au diable ce Pops.
Et Dieu le bénisse.
On partit en convoi pour le Nouveau-Mexique. Les Dobyns dans une voiture, les Slatalla dans une autre. C’était un trajet de huit heures mais j’avais tellement conduit que ça ne m’impressionnait pas.
Jack chanta inlassablement « Jingle bells, Batman smells, Robin laid an egg » et le reste. On l’accompagna au début, mais, au bout de dix fois, il chanta seul. Je finis même par lui dire de la boucler, ce qu’il fit.
On s’arrêta déjeuner dans un routier. Les gamins de Slats bondirent hors de la voiture et Dale courut les rejoindre. Jack prit son temps, resta avec les adultes. Je le regardai. Contrairement à son habitude, il était silencieux.
Gwen lui demanda s’il
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