No Angel
ne renonçait jamais, au grand jamais.
Il y avait une troisième solution : l’un d’entre nous aurait pu – peut-être dû – proposer d’en finir à ce moment. Nous avions beaucoup d’éléments solides. Nous n’aurions pas détruit les Hells Angels, mais de fortes ondes de choc auraient secoué leur organisation. Notre message aurait été clair et efficace : vous n’êtes pas impénétrables, vous ne nous faites pas peur et nous ne vous laisserons pas tranquilles. Si nous avions mis un terme à l’opération fin décembre 2002, nous aurions eu un dossier d’inculpation respectable et serions sortis de la bataille pratiquement indemnes.
Mais cette idée n’effleura personne.
Nous ne voulions pas un bon dossier.
Nous voulions un dossier en béton.
24
JINGLE BELLS,
BATMAN SMELLS {44} ,
ETC.
Décembre 2002
Décembre est généralement pauvre en contacts, mais cela ne signifie pas qu’ils furent inexistants. Le comportement de Rudy nous contraignit à en avoir.
Le 6, je reçus un coup de téléphone de Bad Bob. On lui racontait des choses préoccupantes sur Rudy, mais il ne voulait pas en parler par téléphone. Il me proposa de venir le 15 à la collecte de jouets de Mesa – rassemblement à caractère social destiné à réunir des jouets à l’intention d’associations charitables. Je répondis que j’y serais volontiers allé, mais que cela m’était impossible parce que les Solo Angeles organisaient une collecte de jouets obligatoire le même jour à Los Angeles. Il dit qu’il comprenait, que la fidélité à mon club passait avant tout, mais qu’il fallait tout de même qu’on se voie. Il proposa un dîner, en fin d’après-midi, le 11. Je répondis que je pouvais venir en ville à cette date. Le rendez-vous fut donc fixé.
Nous avions, nous aussi, appris des choses préoccupantes sur Rudy. Il bavardait apparemment beaucoup avec ses codétenus, mentionnait fréquemment Bad Bob dans l’espoir d’asseoir sa position en prison. Slats alla l’interroger le 10. Il constata que Rudy racontait que ses gars – nous – étaient au mieux avec les Hells Angels et que Bob leur avait proposé un « changement d’insigne »… un transfert à part entière, sans période probatoire. C’est très rare. Les Hells Angels ne distribuent pas les têtes de mort comme des bonbons. Pendant l’entretien, sans prendre de gants, Slats lui dit de la fermer. Pas un mot sur les Angels, pas un mot sur les Solos et, surtout, pas un mot sur l’ATE. Il est en général inutile de rappeler à un informateur incarcéré qu’il est extrêmement dangereux d’admettre qu’il travaillait pour les forces de l’ordre, mais, compte tenu du passé de Rudy, Slats ne voulait pas prendre de risques.
Rudy promit de se taire.
Il retourna en taule mais dans une cellule individuelle, dans l’espoir que ça l’aiderait à tenir sa langue.
Les prisons sont comme les ruches. Les nouvelles s’y répandent comme une traînée de poudre. Quand on avait été chercher Rudy, la population carcérale avait très vite appris que c’était le fait de l’ATF. Quand il revint et fut placé sous un régime spécial, l’effet produit ne fut pas formidable. Nous espérions, en le séparant des autres, que les détenus expérimentés concluraient qu’il n’avait pas coopéré et qu’il était puni. Mais ils pouvaient aussi bien parvenir à la conclusion inverse. Quelques-uns croiraient peut-être qu’on l’isolait pour le protéger. Quoi qu’il en soit, Rudy comprit le message et devint muet comme une carpe.
Je discutai de tout ça avec Bad Bob pendant un agréable dîner au Waffle House du carrefour de Baseline et de l’I-10. Gaufres pour moi ; cheeseburger, frites et milkshake à la vanille pour lui.
Visiblement, les propos de Rudy inquiétaient Bob. Il ne pensait pas qu’il se mettrait à table, simplement qu’il était fidèle à lui-même, mais cela ne changeait rien. Il me demanda si j’étais au courant de la rumeur d’échange d’insigne. Je répondis que non et que je n’imaginais pas que cela soit possible. Il changea de sujet, dit qu’il ne comprenait pas pourquoi Rudy, qui avait fait de la prison, tenait tant à impressionner les gens. Il ajouta qu’il n’appréciait pas du tout que Rudy profite de sa « bonne réputation ». Bob me raconta ensuite, avec un rire étouffé, qu’il tenait cela de Howie Weisbrod, un Angel de Phoenix qui était son ami et son frère depuis
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