No Angel
lui reprocher.
Ce que je décidai de faire alors, je le regrette depuis… Non pas parce que j’avais tort d’aider Pops, mais parce que c’était un acte complètement irréfléchi que je n’aurais jamais dû accomplir, même si j’étais renommé pour mes prises de risque.
Je décidai d’accompagner Pops au Mexique… sans autorisation.
Je n’avais pas l’intention d’aller au clubhouse… je voulais simplement être à proximité au cas où Pops aurait des ennuis. Je lui dis de me téléphoner une demi-heure après son arrivée et que je viendrais à son secours s’il ne le faisait pas. Je ne laisserais pas Pops seul, hors de sa zone de confort, face aux loups qui risquaient de le dévorer.
On passa la frontière et on se sépara. Je me promenai en buvant du Coca, en fumant des cigarettes et en refusant toutes sortes de propositions, des sombreros aux pipes.
Trente minutes passèrent. Pas d’appel.
Quarante minutes passèrent. Pas d’appel.
Quarante-cinq. Pas d’appel.
J’allai au clubhouse.
Pops allait bien. Il allait très bien. Il me dit qu’il avait essayé de téléphoner mais était à chaque fois tombé directement sur ma boîte vocale. Je regardai attentivement mon téléphone et constatai que je n’avais pas de service au Mexique. Formidable. Stupide.
Pops dit :
— Te bile pas, Bird. Ces mecs nous adorent. Viens, faisons un peu la fête.
En fait, il était en train de manger un taco.
Je jouai le jeu. Je fis la connaissance d’un tas de types, bus une bière et me laissai entraîner à jouer au billard. Entre deux parties, Suzuki, le président de Tijuana, m’aborda et me dit que nous devrions lui apporter un moteur Harley Sportster lors de notre prochaine visite. Il nous rappela aussi que nos insignes ne devaient pas indiquer Nomads mais Nomadas, en espagnol.
— J’aime pas ces conneries de gringos, dit-il.
Je lui donnai l’accolade et répondis qu’on le ferait, pas de problème, en n’ayant pas la moindre intention d’obéir. J’espérais que je ne le reverrais pas. Quand la partie de billard fut terminée, je mis le grappin sur Pops et lui dis qu’on avait à faire à San Diego. Il comprit. On partit.
On marcha dans les rues. Je lui confiai que je me faisais l’effet d’un idiot. Il me dit de me détendre.
Je ne pouvais pas. Je m’étais mis dans une situation où je perdais sur tous les plans. Je perdais si je laissais Pops seul alors qu’il n’avait pas confiance. Je perdais s’il me fallait tenter une opération de sauvetage non autorisée. Je perdais si j’avertissais Slats, parce que cela mettrait vraisemblablement un terme à l’opération. Je perdais si je n’avertissais pas Slats parce qu’il l’apprendrait tôt ou tard, m’en tiendrait responsable et que cet acte non autorisé risquait de compromettre gravement notre crédibilité dans la salle d’audience. Je perdais parce que plus je garderais longtemps le secret sur mon voyage au Mexique, plus les conséquences seraient lourdes.
Mais je le fis tout de même et je n’évoquai cette affaire que beaucoup plus tard.
On était tendus et contrariés quand on rentra à Tucson. C’était juste avant Noël. Je déposai Pops chez lui et fis un signe à sa femme, qui se tenait devant la maison. Je lui dis que je passerais dans deux jours déposer quelques trucs pour les fêtes. Il me remercia. Il pensait aux cadeaux que j’apporterais à ses filles ; mais je n’avais en tête que le Mexique, où je l’avais couvert, alors qu’il n’en avait pas vraiment besoin.
Puis il dit :
— Désolé.
— T’en fais pas, Pops. Feliz Natividad, OK ?
— OK.
À l’occasion de ces fêtes, je n’eus pas le monopole des cachotteries. Slats, lui aussi, avait agi en douce.
Quand j’arrivai chez moi, ce fut la même chose : Gwen, sur le perron, attendait mon retour pour aller faire des courses. Mais, cette fois, elle était de bonne humeur.
— Quand je rentrerai tu m’aideras à emballer les cadeaux, hein ?
— Bien sûr.
— Bon. En plus j’ai une surprise pour toi.
J’entrai et trouvai notre matériel de ski dans la salle à manger.
Il apparut que Slats, sa femme et Gwen avaient préparé un séjour à Angel Fire, au Nouveau-Mexique, avec les enfants.
Quand je l’appris, j’étais loin d’être enthousiaste. Des vacances en famille ! Je me dis : ça va m’éloigner des gars, juste au moment où j’ai besoin de rester près d’eux. En réalité, les Hells
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