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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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corps.
    — Ils doivent se méfier.
    — Aucun Argentin ne résiste à une jolie
femme.
    —  à quoi pensez-vous ?
    — On va envoyer Carmen en reconnaissance
dans le café.
    — Oh ! non, pas Carmen ! dit
Léa.
    — Carmen est un de nos meilleurs agents,
de plus, elle est ravissante.
    « Justement », pensa Léa.
    Sarah s’approcha d’elle.
    — Tu as fait du bon travail, ma chérie.
Tu n’as pas oublié notre thé ?… Nous avons juste le temps de nous préparer.
Il faut que nous ayons l’air très convenables.
    Eva Perón trônait
dans un fauteuil à haut dossier de bois doré et de velours rouge dans un des
salons de la Casa Rosada. Elle était vêtue d’une exquise robe blanche au drapé
savant, entourée de femmes chapeautées, toutes très élégantes. Sarah et Léa l’étaient
aussi, mais d’une manière moins ostentatoire.
    — Je suis heureuse de vous revoir, madame
Tavernier, vous aussi mademoiselle.
    Léa ne comprit pas, mais elle salua en
souriant.
    — Nous parlions, ces dames et moi, du
rôle de la femme dans notre société. J’ai beaucoup médité là-dessus. Le général
m’a aidée dans cette réflexion. Par sa patience et son affection, il m’a fait
comprendre les différents aspects des innombrables problèmes qui concernent la
femme dans mon pays et dans le monde. Ces conversations m’ont permis une fois
de plus de comprendre le génie de sa personnalité. Des millions d’hommes ont
sans doute, comme lui, affronté le problème chaque jour plus aigu en ce siècle
angoissé de la femme au sein de la société. Mais je crois que bien peu d’entre
eux se sont arrêtés, comme le général, pour l’examiner à fond. Les féministes
des autres pays diront que commencer ainsi un mouvement féminin, c’est bien peu
féminin… N’est-ce pas là, diront-ils, commencer, en quelque sorte, par
reconnaître la supériorité d’un homme ? Ces critiques ne m’intéressent pas.
Je suis engagée dans l’action et je dois accepter la tâche de guide spirituel
des femmes de mon pays.
    — Elle ne manque pas d’air, chuchota
Sarah à l’oreille de Léa.
    — Tu me raconteras, je n’ai rien
compris.
    On servit le thé.
    —  Muchachos, venez ici, dit Eva
Duarte, en interpellant un des rares hommes de l’assemblée.
    Ils vinrent tous.
    Le colonel Mercante, Freude, chef du service
présidentiel des recherches, personnage redouté, le père Benitez, son
confesseur jésuite et Alberto Dodero, un gros armateur ami des Duarte, se
précipitèrent vers elle. À voix haute, pour que tous entendissent, la belle Eva
dit :
    — J’ai accepté l’invitation du général
Franco à me rendre en visite officielle en Espagne, ensuite j’irai à Rome
demander au pape de prier pour Perón et le peuple argentin. Je terminerai mon
voyage européen par Paris.
    — Peut-on rêver plus belle ambassadrice
que vous, dit Albert Dodero, en lui baisant la main.
    La présidente eut un rire de gorge.
    Léa regardait cette société si différente de
celle dont faisait partie Victoria Ocampo. Ici, tout était clinquant, plutôt
vulgaire, et personne ne venait à elle en lui parlant français alors que
Victoria et ses amis s’exprimaient tous dans sa langue natale avec beaucoup de
distinction. Malgré cela, elle n’arrivait pas à trouver Eva Perón antipathique,
elle n’était pas loin d’éprouver une certaine admiration pour la petite actrice,
tellement décriée dans les milieux de l’aristocratie de Buenos Aires, qui avait
réussi si jeune – n’étaient-elles pas à peu près du même âge ? – à
être la première dame de son pays. Mais pour rien au monde, Léa n’eût souhaité
être à sa place.
    Enfin, Sarah donna le signal du départ.
    Elles traversèrent
la plaza de Mayo. Devant la
cathédrale, plusieurs taxis stationnaient. Léa se dirigea vers l’un d’eux.
    — Si nous rentrions à pied, j’ai envie
de marcher, dit Sarah.
    — Comme tu voudras, passons par Florida,
on regardera les magasins.
    Elles n’échangèrent que des propos futiles
jusqu’au siège du journal La Nacion. Un groupe d’hommes, journal
en main, commentaient les nouvelles du jour. En première page, un titre.
    — Arrestation à Montevideo d’un
criminel nazi, traduisit Sarah.
    — Tu crois que François a quelque chose
à voir avec ça ?
    — Va savoir, répondit Sarah, laconique.
    Elles arrivèrent en vue du Plaza.
    — Que fais-tu ce soir ? demanda
Sarah.
    — Je vais au cinéma avec

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