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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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à son cou et fut arrosée de champagne.
    — Du bonheur, du bonheur ! criait-elle
en riant.
    L’Anglais, le visage cramoisi, riait aussi
en bredouillant :
    — Pardonnez-moi… je suis confus… tellement
heureux… Léa… je n’ose y croire… ce n’est pas possible… vous, ici !…
    — Mais oui, c’est bien moi. George, je
vous présente le commandant Tavernier. François voici mon amoureux anglais, le
major McClintock.
    Les deux hommes qui avaient entendu parler l’un
de l’autre par Léa se serrèrent la main avec une certaine froideur.
    — C’est George qui a recueilli Sarah. Comment
va-t-elle ?
    — Aussi bien que possible, c’est même
un miracle, aux dires des médecins. Elle est en Allemagne depuis quelques jours…
    — Comment, s’écria Tavernier en l’interrompant
avec humeur, avez-vous pu la laisser partir ?
    — Mon cher, je crois que vous êtes un
vieil ami de madame Mulstein, vous savez donc que ce n’est pas une personne à
se laisser dicter sa conduite. Elle voulait retourner en Allemagne, je n’ai pas
pu l’en empêcher, à moins de la faire interner…
    — C’est ce que j’aurais fait à votre
place !
    — François, George, je vous en prie, l’important
c’est que Sarah soit en bonne santé. Ne me gâchez pas cette soirée. Aujourd’hui,
c’est la fête, je ne veux penser qu’à m’amuser, à rire, à boire et à danser. Je
vous ai retrouvés tous les deux, pour le moment, c’est le plus important.
    Si chacun d’eux apprécia modérément ces
propos, ils eurent la bonne grâce de ne pas le montrer et entrèrent souriants
dans le salon, encadrant leur belle amie.
    Léa fit sensation. Elle était superbe dans
un long fourreau de velours rouge glissé en cachette dans sa valise. C’était la
première fois qu’elle le portait. La robe laissait son dos et ses épaules nus
et faisait ressortir la cambrure de ses reins. Les hommes en la voyant
déglutissaient péniblement et les rares femmes présentes la regardaient avec
envie.
    Elle dansa avec tous, fut d’une gaieté
communicative. Pendant quelques heures, par sa jeunesse et son rire, elle fit
oublier aux convives qu’ils étaient à Nuremberg.
    Minuit était largement dépassé quand
François donna le signal du départ à une Léa un peu ivre et qui prétendait
danser toute la nuit.
    La ville en ruines
était déserte et sombre – seuls les alentours du palais de justice
bénéficiaient d’un éclairage généreux – et le silence n’était rompu
que par le passage des patrouilles de la police militaire. Des sentinelles
marchaient de long en large. Un vent froid soufflait balayant les rues. François
conduisait lentement, attentif à ne pas déranger la jolie tête échevelée qui
reposait sur son épaule.
    — Où m’emmènes-tu ?
    — Ce soir nulle part. Ma logeuse est
très stricte : pas de femmes dans ma maison.
    — Oh non ! je voudrais tant rester
avec toi.
    — Moi aussi, mais pour aujourd’hui ce n’est
pas possible. Demain j’aurai trouvé un endroit.
    Il ne détestait pas cette attente qui
exacerbait son désir. Pour Léa cela était insupportable : attendre, toujours
attendre !
    — C’est trop loin demain, dit-elle dans
son cou.
    La raucité de sa voix eut raison de sa
patience. Il se gara près d’un immeuble effondré, éteignit le moteur et les
phares. Comme il était pressé soudain. Quand sa main rencontra la tiédeur de
ses cuisses juste au-dessus du bas, puis la toison humide que rien ne
protégeait, il crut qu’il allait exploser.
    — Petite coquine, tu penses à tout.
    Elle rit doucement en se renversant sur le
siège.
    Si Laureen Kennedy
sut l’heure tardive à laquelle Léa était rentrée, elle n’y fit pas allusion le
lendemain, au grand soulagement de François qui craignait qu’elle ne consignât
son amie.
    Pendant un mois, ils
se virent presque chaque jour. L’austérité de la logeuse avait disparu devant
le beurre, les saucisses, le chocolat et l’alcool apportés par « le
merveilleux commandant français ». Elle n’était que sourires malgré la
froideur de Léa qui la détestait, trouvant ses yeux cruels, ses manières
fausses et ses mines complices obscènes.
    — Je suis sûre qu’elle écoute derrière
la porte.
    Ils se promenèrent dans les rues encombrées
de décombres, barrages, barricades, contrôle à chaque carrefour, faussements
indifférents aux regards hostiles de la population, aux demandes des enfants
vêtus de

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