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Noir Tango

Noir Tango

Titel: Noir Tango Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Régine Deforges
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voir. Léa n’a
même pas pris le temps de se changer, elle est partie sur-le-champ. Elle est
revenue tard dans la soirée, complètement ivre. Elle a vomi partout et s’est
remise à boire. Elle me fait peur, elle parle d’enfant mort… d’expériences… de
berceuse… je ne comprends rien. J’étais si heureuse de la revoir !
    — As-tu appelé un médecin ?
    — Elle ne veut pas.
    — Attends, je vais lui parler.
    Franck entra dans la pièce où régnait un
désordre et une odeur épouvantables. Quand elle le vit, Léa se recroquevilla
sur le lit défait.
    — Léa, c’est moi, Franck.
    — Franck ?…
    — Oui, le copain de Laure.
    — Franck !
    Elle essaya de se lever mais retomba sur le
lit en se cognant violemment la tête. Sous la douleur, elle se mit à pleurer
comme une enfant.
    — Je m’occupe d’elle. Téléphone à la
maison à mon frère Jean-Claude, dis-lui de venir tout de suite avec sa trousse.
    — Tu crois qu’il saura la soigner ?
    — Il est en dernière année de médecine,
dit Franck en traînant Léa vers la salle de bains.
    Quand le futur médecin arriva, Léa reposait
sur un fauteuil, les cheveux mouillés, enveloppée d’un peignoir en tissu éponge,
tandis que Franck et Laure changeaient les draps du lit.
    Après l’avoir examinée, Jean-Claude dit à
Laure :
    — Donnez-lui du café et de l’aspirine
en attendant. Elle n’a pas seulement pris une bonne cuite, elle a eu un choc. Je
vais appeler mon patron qui saura mieux que moi ce qu’il faut faire.
    Contre toute
attente, Laure se révéla une excellente garde-malade.
    Au bout du cinquième jour, sa robuste
constitution reprit le dessus, mais elle restait repliée sur elle-même, silencieuse,
refusant de dire, au médecin comme à Laure, ce qui s’était passé. Au bout d’une
semaine, elle songea à prendre contact avec madame de Peyerimhoff pour mettre
au point les modalités de sa démission.
    — Nous allons vous regretter, dit
celle-ci, vous étiez un bon élément… Vous n’avez pas bonne mine… Seriez-vous
souffrante ?
    — Non, madame, un peu de fatigue
seulement.
    — Cela passera, à votre âge, on n’est
pas fatigué. Connaissant votre situation familiale, je comprends les raisons de
votre départ et les responsabilités auxquelles vous devez faire face.
    Léa acquiesça, soulagée qu’on ne lui posât
pas d’autres questions sur sa décision. Sans regret, elle franchit le seuil du
siège de la Croix-Rouge. Une page de sa vie était tournée.
    Installée dans le
studio de sa sœur, rue Grégoire-de-Tours, Léa essayait de faire le point. L’argent,
remis par la Croix-Rouge, suffirait tout juste à l’habiller et à rembourser ses
tantes des petites sommes prêtées. Sans travail, sans revenu et sans logement, elle
ne pouvait rester à Paris. Elle ne voulait pas, comme Laure, vivre de petits
trafics et d’expédients. François Tavernier lui manquait, il aurait su ce qu’elle
devait faire. Elle s’étonnait de ne pas avoir de nouvelles de lui. Sans doute
avait-il été retenu à Nuremberg. Peut-être Sarah en avait-elle ? Mais c’était
au-dessus des forces de Léa de la revoir, pas maintenant, trop d’images
horribles se pressaient dans sa tête. Si forte était son appréhension de l’entendre
qu’elle avait même refusé de prendre le téléphone quand celle-ci, la sachant
malade, l’avait appelée à plusieurs reprises. Par ailleurs, Albertine la
pressait de venir à Montillac où on avait besoin d’elle. Léa quitta Paris avec
soulagement sans avoir revu Sarah.
    L’hiver avait été
très froid, le printemps était pluvieux. L’argent manquait pour chauffer
convenablement la grande maison et de plus, il n’y avait pas de charbon. Françoise,
Ruth et les enfants se tenaient le plus souvent dans la cuisine. Assises devant
le feu de la cheminée, elles écoutaient la radio ou s’occupaient des travaux
ménagers en surveillant Charles et Pierre, qui mettaient un peu d’animation par
leurs cris et leurs rires. Charles partait le matin pour l’école de Verdelais
et ne rentrait que le soir. C’était un garçon sérieux pour son âge qui
partageait son temps entre la lecture et le dessin. Le petit Pierre allait sur
ses deux ans, c’était un enfant turbulent auquel sa mère passait tous ses
caprices au grand courroux d’Albertine qui réprouvait cette absence de
contraintes. Mais Françoise était incapable de refuser quoi que ce fût à son
fils.
    Elle avait cru

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