Noir Tango
par Bormann fin 1943, se poursuivit sans connaître de
véritables problèmes. C’est ainsi que des milliers d’œuvres d’art, des tonnes d’or
et diverses valeurs traversèrent l’Atlantique à bord de sous-marins partant d’Espagne
grâce à l’aide du général Paupel à Madrid. L’ambassadeur d’Allemagne von
Thermann et sa femme, en compagnie du capitaine de vaisseau Dietrich Niebuhr, organisaient
des bals ou des parties de poker – les Argentins avaient une chance
insolente – où se retrouvaient le gratin de la colonie allemande, le
prince et la princesse de Schaumburg-Lippe, le comte de Luxburg, Ludwig Freude,
Godofredo Sanstede – un agent de la Gestapo –, von Simon et des
Argentins tels l’actuel président Juan Perón, les amiraux Scasso et Teissaire, les
généraux Ramirez et Farrel, les colonels Mittelba, Heblin, Gonzalez, Gilbert. Habiles,
les Allemands caressaient leurs amis argentins dans le sens du poil : arrosage
systématique de la presse, dons importants du prince de Schaumburg-Lippe à
différentes personnalités argentines, parties fines copieusement arrosées. La
déclaration de la guerre le 27 mars 1945, sous la pression des États-Unis, ne
gêna pas vraiment les relations entre les deux camps. Par mesure de prudence, les
fonds et les valeurs des nazis furent transférés sur des comptes de
ressortissants et de nationaux argentins. Quand le gouvernement de Buenos Aires
se présenta pour saisir les biens nazis et japonais, il n’y avait plus rien. En
avril 1945, des sous-marins nazis venant d’Espagne sont arrivés en Argentine, porteurs
d’un véritable trésor de guerre : huit cent millions de dollars, produit
de rapines de toutes sortes. En juillet et en août, deux sous-marins firent
surface dans le port de Mar del Plata et furent remis aux autorités américaines.
En Patagonie, toujours au mois de juillet, deux autres sous-marins accostèrent.
Quatre-vingts personnes embarquèrent à bord de canots pneumatiques et furent
débarquées sur une plage déserte où les attendaient de grosses voitures et des
camions. Furent débarquées également des dizaines de très lourdes caisses, immédiatement
chargées à bord des camions qui se dirigèrent vers une hacienda appartenant à une société allemande. Peut-être savez-vous que l’ Organisation
der ehemaligen SS Angehörigen [14] possède plusieurs réseaux permettant à ses membres de s’évader vers l’Égypte,
la Syrie ou l’Amérique latine. La filière, Allemagne, Autriche, Tyrol du Sud, Gênes
via Tanger est la plus utilisée pour gagner les pays hospitaliers d’Amérique du
Sud. Rien que dans la région de Gênes, il y a des dizaines de monastères ou de
presbytères qui servent de refuge aux candidats à l’immigration sud-américaine
sous la houlette d’un haut dignitaire ecclésiastique croate, Krunoslav
Draganovic, grand ami de Poglavnik [15] Ante Pavelitch. Grâce à ses relations diplomatiques auprès du Vatican, il
obtient, sans difficultés, des autorisations d’immigration dans différents pays
pour ses protégés. Malgré les polices alliées, le port de Gênes est un lieu de
départ sûr pour les criminels nazis.
— Nous savions qu’une telle
organisation existait, mais nous n’imaginions pas son importance, dit Sarah. Vous
parlez de complicités difficiles à admettre… la Croix-Rouge internationale, le
Vatican, l’Ordre de Malte, que sais-je encore…
— Croyez-vous qu’avec le suicide de
Hitler, qui pour beaucoup est loin d’être sûr, la chute du III e Reich, la mort de millions d’êtres humains aient anéanti tous les néofascistes
et néo-nazis de la terre ?… Il n’en est rien. De petits groupes comme le
nôtre peuvent faire beaucoup de mal au réseau ODESSA, mais soyons sans
illusions, la majorité de ces salauds nous échappera.
— Nous le savons, dit Samuel. Nous ne
sommes pas les seuls à nous lancer sur la trace des nazis en fuite. Grâce à nos
informateurs américains, des camarades sont sur la piste d’Adolf Eichmann. Des
anciens de la Nakam ont découvert l’adresse de sa famille en Autriche, à
Bad-Ausse ; ils se relaient pour surveiller la femme et le frère d’Eichmann.
Ce petit groupe de vengeurs fera appel à nous si besoin est. Quant à nous, pour
le moment, Amos a localisé ces deux femmes du camp de Ravensbrück Mara
Schaeffer et Ingrid Sauter qui s’étaient faufilées dans les rangs de la
Croix-Rouge et que nous avions vues, Sarah et moi,
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