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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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imminente des soldats et la vue de ce visage tourné vers le
ciel, livide, les yeux clos, calme et triste comme le marbre, mais sur lequel pourtant
filtraient des larmes entre les longs cils emmêlés, roulant sur les joues ;
plus épais que les larmes, le sang coulait lentement de sa blessure. Même les plus
acharnés, dont Boucher, reculèrent, hésitants, l’air renfrogné, et s’éloignèrent
en marmonnant des insultes contre leur patron, qui se tenait toujours dans la même
posture, les regardant partir avec un air de défi. Dès que leur retraite se fut
changée en fuite, ce qui était prévisible compte tenu de sa nature, il se précipita
sur le perron pour rejoindre Margaret.
    Elle essaya de se relever sans son aide.
    — Ce n’est rien, dit-elle avec un pâle sourire. Ce n’est
qu’une égratignure, et j’ai été étourdie sur le moment. Oh, je suis tellement soulagée
de les voir partis !
    Et elle fondit en larmes sans retenue.
    Il ne pouvait partager son point de vue. Sa colère n’avait pas
faibli ; au contraire, elle augmentait à mesure que se dissipait son sens du
danger immédiat. On entendit au loin des bruits métalliques annonçant l’arrivée
des soldats. Juste cinq minutes trop tard pour que les fuyards puissent sentir le
pouvoir de l’autorité et de l’ordre. Il espéra qu’ils verraient les troupes et seraient
dégrisés en se rendant compte qu’ils l’avaient échappé belle. Pendant que ces réflexions
traversaient l’esprit de Mr Thornton, Margaret se cramponnait au chambranle
pour garder son équilibre ; mais un voile passa devant ses yeux et il n’eut
que le temps de la retenir.
    — Maman ! Maman ! s’écria-t-il. Descendez... ils
sont partis, mais Miss Hale est blessée !
    Il la transporta dans le salon et la posa sur le divan avec mille
précautions. En regardant ce visage pur et blanc, il fut saisi par le sentiment
de ce qu’elle représentait pour lui, un sentiment si aigu et si douloureux qu’il
l’exprima à voix haute :
    — Oh, ma Margaret... ma Margaret ! Personne ne peut
savoir ce que vous êtes pour moi ! Vous qui gisez là, froide comme une morte,
vous êtes la seule femme que j’aie jamais aimée. Oh, Margaret... Margaret !
    À genoux à côté d’elle, il laissait échapper ces mots confus,
qu’il gémissait plus qu’il ne les articulait ; mais il sursauta, honteux, quand
sa mère entra. Elle ne remarqua rien, sinon que son fils était un peu plus pâle,
un peu plus tendu que de coutume.
    — Miss Hale est blessée, maman. Une pierre lui a entaillé
la tempe. Je crains qu’elle n’ait perdu beaucoup de sang.
    — Elle a l’air gravement blessée, on dirait presque une
morte, dit Mrs Thornton, fort alarmée.
    — Elle a seulement perdu connaissance. Elle m’a parlé tout
à l’heure.
    Mais tout le sang de Mr Thornton semblait refluer vers son
cœur tandis qu’il prononçait ces mots et il se mit à trembler violemment.
    — Va dire à Jane de venir ; elle pourra m’apporter
ce dont j’ai besoin. Et va voir tes Irlandais, qui crient comme des perdus. Ils
semblent fous de terreur.
    Il s’exécuta et partit comme si des poids étaient attachés à
chacun des membres qui l’éloignait d’elle. Il appela Jane ; il appela sa sœur.
Margaret devait bénéficier de toute la sollicitude féminine et recevoir les soins
les plus délicats. Et à chaque battement de son pouls, il la revoyait descendre
et se placer entre lui et le plus redoutable des dangers – se pouvait-il qu’elle
ait voulu le sauver ? Sur le moment, il l’avait repoussée et lui avait parlé
avec brusquerie ; il n’avait rien vu, hormis le danger inutile qu’elle avait
encouru. Il alla voir ses Irlandais, mais tous ses nerfs frémissaient en pensant
à elle, et il eut bien du mal à comprendre assez leurs propos pour les réconforter
et dissiper leurs craintes. Ils déclarèrent qu’ils ne voulaient pas rester là et
demandèrent à être renvoyés chez eux.
    Il lui fallut donc réfléchir, argumenter, raisonner.
    Mrs Thornton bassina les tempes de Margaret avec de l’eau
de Cologne. Au contact de l’alcool sur la blessure, que jusque-là ni Jane, ni
Mrs Thornton n’avait vue, Margaret ouvrit les yeux ; mais manifestement,
elle ne savait pas où elle se trouvait ni qui elles étaient. Les cercles noirs se
creusèrent, ses lèvres frémirent et se contractèrent, et elle perdit à nouveau connaissance.
    — Elle a reçu un choc terrible, dit

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