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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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méprisant.
Il regarda Margaret, qui se tenait debout, seule, à la fenêtre la plus proche de
l’usine. Ses yeux étincelaient et son teint s’était coloré ainsi que ses lèvres.
En sentant peser sur elle le regard de Mr Thornton, elle se retourna pour lui
poser la question qui la préoccupait depuis quelque temps :
    — Où sont les malheureux ouvriers que vous avez fait venir ?
Là-bas dans la filature ?
    — Oui. Ils ne sont pas rassurés et je les ai laissés dans
une petite salle en haut d’un des escaliers de derrière, avec la consigne de s’échapper
par là s’ils entendaient céder les portes de l’usine. Mais ce n’est pas à eux que
la foule en a. C’est à moi.
    — Où peuvent bien être les soldats ? demanda sa mère
d’une voix basse, mais ferme.
    Il sortit sa montre avec les gestes mesurés qu’il avait toujours
et fit un calcul.
    — En supposant que Williams soit parti dès que je lui en
ai donné l’ordre et n’ait pas eu à faire trop de tours et de détours pour se frayer
un chemin, il devrait leur falloir encore vingt minutes.
    — Vingt minutes ! s’exclama sa mère, dont le ton trahit
pour la première fois sa terreur
    — Fermez les fenêtres tout de suite, maman, s’écria-t-il.
Les portes ne supporteront pas un autre assaut. Fermez cette fenêtre,
Miss Hale.
    Margaret obéit, puis alla aider Mrs Thornton, dont les doigts
tremblaient.
    Pour une raison ou une autre, il se fit une pause de plusieurs
minutes dans la rue invisible. Éperdue d’inquiétude, Mrs Thornton scruta le
visage de son fils, comme pour comprendre ce qui l’immobilisait brusquement. Sa
physionomie s’était figée dans une expression de défi méprisant, et n’exprimait
ni espoir ni peur.
    Fanny sortit de sa prostration pour demander dans un souffle :
    — Sont-ils partis ?
    — Partis ! répondit-il. Écoute !
    Elle écouta. Ils entendirent tous un grand halètement d’effort ;
le craquement du bois qui cédait lentement ; le bruit du fer arraché ;
la chute brutale des lourdes portes. Fanny se leva, titubante, fit un pas ou deux
vers sa mère et tomba en avant dans ses bras, sans connaissance. Mrs Thornton
la souleva avec une force qui était autant celle de l’esprit que du corps, et l’emporta.
    — Dieu soit loué ! s’écria Mr Thornton en la regardant
sortir de la pièce. Ne feriez-vous pas mieux de monter, Miss Hale ?
    Margaret articula un « Non ! » qu’il n’entendit
pas à cause du bruit d’innombrables pas sous le mur de la maison et du grondement
sauvage des voix profondes et furieuses, où l’on distinguait une note de satisfaction
féroce, plus terrible que les cris de frustration qui avaient retenti quelques minutes
plus tôt.
    — Ne vous inquiétez pas ! dit-il, pensant l’encourager.
Je suis vraiment désolé que vous vous soyez trouvée prise dans toute cette turbulence ;
mais cela ne va plus durer longtemps ; encore quelques minutes et les soldats
seront là.
    — Mon Dieu ! s’exclama soudain Margaret, mais c’est
Boucher. Je le reconnais, malgré la colère qui le défigure ; il essaie d’arriver
au premier rang, regardez ! Regardez !
    — Qui est Boucher ? s’enquit calmement Mr Thornton.
    Il s’approcha de la fenêtre pour voir qui provoquait pareil intérêt
de la part de Margaret. Dès que la foule le vit, elle émit un hurlement que l’on
n’eût pu qualifier d’humain, car il évoquait bien plutôt le cri démoniaque d’une
bête sauvage affamée à qui l’on eût voulu soustraire une proie convoitée.
Mr Thornton lui-même recula un moment, troublé par l’intensité de la haine
qu’il avait déchaînée.
    — Qu’ils hurlent ! Dans cinq minutes... Tout ce que
j’espère, c’est que ce bruit infernal ne va pas complètement affoler mes pauvres
Irlandais. Gardez courage pendant cinq minutes, Miss Hale.
    — Ne craignez rien pour moi, se hâta de répondre Margaret.
Mais que va-t-il se passer dans cinq minutes ? Ne pouvez-vous rien faire pour
calmer ces malheureux ? Ils font peine à voir.
    — La troupe va arriver incessamment, et cela va les ramener
à la raison.
    — La raison ! rétorqua Margaret. Quel genre de raison ?
    — La seule raison qu’entendent des hommes qui se comportent
en bêtes sauvages. Juste ciel ! Ils s’en prennent à la porte de la filature
à présent !
    — Mr Thornton, dit Margaret, tremblant de colère des
pieds à la tête, descendez immédiatement si vous

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