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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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autoritaire
et enjoué, vous savez bien que revoir Mr Frederick est ce que vous désirez
le plus au monde. Et je suis bien contente que Miss Margaret ait écrit tout
de suite, sans tergiverser. J’avais sérieusement songé à en faire autant moi-même.
Et nous veillerons à ce qu’il reste bien à l’abri, vous pouvez y compter. Martha
est le seul membre de cette maisonnée qui ne donnerait pas tout pour le sauver le
cas échéant ; et j’ai déjà réfléchi qu’on pourrait choisir ce moment précis
pour l’envoyer voir sa mère. Elle a dit une ou deux fois qu’elle aimerait y aller,
parce que depuis qu’elle est en service chez nous, sa mère a eu une attaque, mais
qu’elle n’osait pas demander. Je veillerai à ce qu’elle parte au bon moment, dès
que nous saurons quand il arrive, Dieu le bénisse. Alors, Madame, prenez tranquillement
votre thé et faites-moi confiance.
    Et de fait, Mrs Hale faisait davantage confiance à Dixon
qu’à Margaret. Les paroles de la domestique la tranquillisèrent pour l’instant.
Margaret servit le thé en silence, cherchant quelque chose d’agréable à dire ;
mais son esprit lui donnait à peu près la même réponse que Daniel O’Rourke [68] lorsque l’homme de la lune lui avait demandé de descendre de sa faucille :
« Plus que vous me le demanderez, et moins que je bougerai. » Plus elle
essayait d’éloigner de ses pensées le danger auquel Frederick allait s’exposer,
plus son imagination se cramponnait à l’idée funeste qui lui avait été suggérée.
Sa mère, qui bavardait avec Dixon, semblait avoir totalement oublié que son fils
pût être jugé et exécuté, comme elle avait oublié que c’était pour satisfaire son
désir à elle que, par le truchement de Margaret, il se trouvait exposé à ce danger.
Mrs Hale était une de ces personnes qui évoquent la crainte de possibilités
terribles, de probabilités affreuses, de toutes sortes de hasards malheureux avec
autant de naturel qu’une fusée lance des étincelles. Lorsqu’elles touchent une matière
combustible, elles commencent par brûler lentement, puis se mettent à flamber d’un
seul coup de façon effroyable. Margaret se sentit soulagée lorsque, après avoir
rempli son devoir filial avec tendresse et sollicitude, elle put descendre dans
le bureau : elle était curieuse de savoir comment les choses se passaient entre
son père et Higgins.
    De prime abord, le gentleman de l’ancienne école, avec sa simplicité,
sa bienveillance et sa politesse, avait éveillé sans qu’il le cherchât, par ses
seules manières courtoises et raffinées, la civilité latente chez son interlocuteur.
    Mr Hale traitait tout le monde de la même façon : il
ne lui venait jamais à l’idée de moduler ses manières en fonction du rang de celui
à qui il s’adressait. Il avança une chaise pour Nicholas et resta debout jusqu’à
ce que ce dernier se fût assis à sa demande. Il l’appela invariablement
Mr Higgins, et non simplement « Nicholas » ou « Higgins »
tout court, ce à quoi « le tisserand ivre et mécréant » avait été accoutumé.
Mais Nicholas n’était ni un ivrogne invétéré, ni un mécréant endurci. Il buvait
pour noyer ses soucis, comme il l’eût admis lui-même ; et il n’était « mécréant »
que parce qu’il n’avait pas encore trouvé une forme de foi à laquelle il pût adhérer
de cœur et d’âme.
    Margaret fut un peu surprise et fort contente en trouvant son
père et Higgins en grande conversation, chacun parlant à l’autre avec égards et
politesse, malgré leurs opinions discordantes. Nicholas, lavé, bien que ce fût seulement
à l’auge de la pompe, mesuré dans ses propos, était un être nouveau pour elle qui
ne l’avait vu que chez lui, où il s’exprimait avec une indépendance bourrue. Il
avait lissé ses cheveux à l’eau fraîche, rajusté son foulard et emprunté un vieux
bout de chandelle pour cirer ses galoches ; et il était assis là, à expliquer
une de ses idées à son père, avec un fort accent du Darkshire, il est vrai, mais
sans élever la voix et avec un air calme et convaincu. Mr Hale, lui aussi,
était intéressé par les propos de son interlocuteur. Il regarda par-dessus son épaule
quand sa fille entra, lui sourit et lui céda tranquillement sa chaise. Puis il se
rassit aussi vite que possible, adressant à son invité un léger salut comme pour
s’excuser de cette interruption. Higgins fit un signe de tête

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