Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
Vom Netzwerk:
bougre de crétin, qu’a
fait tomber tous nos projets à l’eau ! Alors j’ai couru partout, jusqu’à en
avoir les pieds en sang, pour voir des gars qui voulaient pas être vus, maintenant
qu’on a la justice contre nous. Et en plus, mon cœur saignait pire que mes pieds.
Alors, quand j’ai rencontré un ami qui m’a offert une tournée, je me doutais pas
qu’elle était là en train de mourir. Bessy, ma fille, tu me croirais, hein, tu me
croirais ? dit-il en se tournant, désespéré et implorant, vers le malheureux
corps inanimé.
    — Je vous crois, dit Margaret. Je suis sûre que vous ne
saviez rien : cela a été très soudain. Seulement, vous comprenez, maintenant,
ce n’est plus pareil. Vous êtes au courant ; vous la voyez sur son lit de mort ;
vous avez entendu ce qu’elle a dit dans son dernier soupir. Vous n’irez pas boire,
n’est-ce pas ?
    Aucune réponse. En fin de compte, où pouvait-il aller chercher
du réconfort ?
    — Venez chez moi, dit-elle enfin, prenant une initiative
hardie, qui la fit un peu trembler alors même qu’elle faisait sa proposition. Au
moins, vous aurez un bon repas, dont vous avez grand besoin, j’en suis sûre.
    — Votre père est pasteur, hein ? demanda-t-il, passant
brusquement d’une idée à une autre.
    — Il l’était, répondit-elle, laconique.
    — Je vais aller boire un peu de thé avec lui, puisque vous
m’invitez. Y a beaucoup de choses que j’ai eu souvent envie de discuter avec un
pasteur. Quant à savoir s’il prêche encore ou pas, c’est bien le dernier de mes
soucis.
    Margaret se sentit fort embarrassée. Son père ne s’attendait
pas à cette visite, et, avec sa mère si malade, il semblait totalement hors de question
qu’il prenne le thé avec un inconnu ; pourtant, si elle faisait machine arrière
maintenant, ce serait très grave, car cela reviendrait à coup sûr à envoyer Higgins
droit à l’estaminet. Elle se disait que si seulement elle pouvait l’amener chez
elle, ce serait déjà une grande victoire, et que pour le reste, elle s’en remettrait
à la chance.
    — Adieu, ma brave petiote ! C’est ici qu’on se sépare,
hein ! Depuis ta naissance, t’as été une bénédiction pour ton père. Dieu bénisse
tes lèvres pâles, ma fille. Au moins, elles ont le sourire, maintenant ! Et
je suis content de le voir, ce sourire, même si je suis condamné à être seul et
abandonné.
    Il se baissa et embrassa tendrement son enfant ; puis il
lui recouvrit le visage et se tourna pour suivre Margaret, qui était descendue à
la hâte informer Mary de ce qui était convenu ; pour lui dire que c’était la
seule solution qui lui était venue à l’esprit pour empêcher Higgins d’aller boire.
Elle invita Mary à les accompagner, car elle avait le cœur serré à l’idée de laisser
seule la pauvre fille dévouée. Mais Mary dit qu’elle avait des amies parmi les voisines,
et qu’elles viendraient lui tenir compagnie un moment ; il ne fallait pas s’en
faire pour elle ; mais pour son père...
    Elle en eût dit davantage s’il n’était redescendu sur ces entrefaites.
Il ne manifestait plus aucune émotion, comme s’il avait honte d’avoir laissé transparaître
ses sentiments ; et il avait pris sur lui au point d’affecter une sorte de
gaieté amère, comme le bruit des épines sous le chaudron [67] .
    — Je vais prendre le thé avec son père, qu’est-ce que tu
crois, dit-il.
    Mais une fois dans la rue, il rabattit sa casquette sur ses yeux
et avança à côté de Margaret sans regarder ni à droite ni à gauche ; il redoutait
d’être pris au dépourvu par les paroles, ou pis encore, les regards de sympathie
des voisins. Margaret et lui firent donc tout le chemin en silence.
    Comme ils approchèrent de la rue où il savait qu’elle habitait,
il regarda ses vêtements, ses mains et ses chaussures et dit : « J’aurais
peut-être bien dû me nettoyer avant, non ? »
    Sans doute cela eût-il été préférable, mais Margaret l’assura
qu’une fois arrivé chez elle, on lui donnerait du savon et une serviette et il aurait
la possibilité de se laver dans la cour : elle ne pouvait plus le laisser filer
maintenant.
    Tandis qu’il suivait la domestique dans le couloir et jusque
dans la cuisine, en marchant avec soin sur les motifs sombres du linoléum, afin
que les traces laissées par ses chaussures boueuses ne se remarquent pas, Margaret
se précipita à l’étage. Elle rencontra Dixon sur

Weitere Kostenlose Bücher