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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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Pourquoi que vous me tentez comme ça, hein ?
Qu’est-ce qui vous prend de me provoquer avec vos doutes ? Pensez donc un peu
à elle, sur son lit de mort, après la vie qu’elle a eue. Et vous voudriez m’ôter
le seul réconfort qui me reste, l’idée qu’il y a un Dieu, et que c’est lui qui a
ordonné sa vie ? Qu’elle revivra, ça, j’y crois pas.
    Il s’assit à nouveau et continua d’un ton monocorde, comme s’il
s’adressait aux flammes indifférentes :
    — Je crois pas qu’y a une autre vie que celle-ci, où elle
a eu tant de malheur, et j’arrive pas à croire que sa vie, c’était qu’une série
de hasards qu’un simple souffle de vent aurait pu changer. Plus d’une fois, je me
suis dit que je croyais pas en Dieu, mais jamais je l’ai dit tout haut comme certains.
Ah, par exemple, il a pu m’arriver de me moquer de ceux qui croyaient, pour faire
le fier. Mais après, je me retournais pour voir s’il m’avait entendu, si tant est
qu’y avait un II. Seulement aujourd’hui que je me retrouve tout seul et dans la
peine, j’ai pas envie de vous entendre, avec vos doutes et vos questions. Dans ce
monde chamboulé, y a qu’une chose qui tient bon ; je me moque que ça soye raisonnable
ou pas, je m’y tiendrai. Ils ont beau jeu, les gens heureux, de...
    Margaret lui toucha très doucement le bras. Elle n’avait encore
rien dit, et il ne l’avait pas entendue se lever.
    — Nicholas, nous ne cherchons pas à raisonner. Vous avez
mal compris mon père. Ce n’est pas la raison que nous suivons, c’est notre foi,
et vous aussi. C’est le seul réconfort qui soit en de pareils moments.
    Se tournant vers elle, il lui prit la main :
    — Oui, c’est vrai, ce que vous dites, fit-il en essuyant
ses larmes d’un revers de main. Mais vous comprenez, elle est là-bas, sur son lit
de mort, et le chagrin m’abrutit tellement qu’y a des fois où je sais plus ce que
je dis. J’ai l’impression de réentendre ces discours que j’ai entendus, et que j’ai
trouvés bien tournés sur le coup ; ils me reviennent maintenant que j’ai le
cœur presque brisé. Et en plus, la grève a échoué. Vous savez quoi, Miss, je revenais
à la maison chercher un peu de réconfort auprès d’elle dans mes soucis, et ça m’a
assommé quand quelqu’un m’a annoncé qu’elle était morte ; qu’elle venait juste
de passer. C’est tout ce qu’on m’a dit, mais ça m’a achevé.
    Mr Hale se moucha et se leva pour éteindre les chandelles
afin de dissimuler son émotion.
    — Cet homme n’est pas un mécréant, Margaret ; comment
as-tu pu dire une chose pareille ? murmura-t-il sur un ton de reproche. J’ai
bien envie de lui lire le chapitre XIV du livre de Job [69] .
    — Je crois que c’est prématuré, papa. Ou même pas indiqué
du tout. Parlons-lui de la grève et donnons-lui toute la sympathie dont il a besoin,
celle qu’il espérait trouver auprès de la pauvre Bessy.
    Ils l’interrogèrent donc et écoutèrent ses réponses. Les calculs
des ouvriers étaient basés (comme souvent aussi ceux des patrons) sur de fausses
prémisses. Ils s’attendaient à ce que leurs camarades eussent la même puissance
chiffrable que des machines, ni plus, ni moins ; ils n’avaient pas fait la
part des passions humaines qui étaient susceptibles de prendre le pas sur la raison,
comme dans le cas de Boucher et des émeutiers. Ils croyaient que le tableau des
dommages qu’ils avaient subis produirait sur des étrangers éloignés le même effet
que lesdits dommages, réels ou imaginaires, avaient eu sur eux. Ils avaient donc
été aussi surpris qu’indignés par l’arrivée des pauvres Irlandais qui avaient consenti
à quitter leur pays pour venir prendre leur place.
    Cette indignation était en partie tempérée par un certain mépris
pour « ces sales Irlandais » et par le malin plaisir qu’ils éprouvaient
à imaginer la maladresse dont ceux-ci allaient faire preuve, et la façon dont leur
ignorance et leur bêtise (sur lesquelles circulaient déjà en ville des histoires
exagérées) déconcerteraient leurs nouveaux maîtres. Mais le coup le plus cruel,
c’était celui porté par certains ouvriers de Milton qui, bravant les consignes du
syndicat (lequel préconisait de maintenir la paix quoi qu’il arrivât), étaient passés
outre. Ils avaient semé la discorde dans leur camp et répandu la terreur d’une action
en justice contre eux.
    — Ainsi, la grève est terminée, dit

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