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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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à
    Margaret, qui disposa sans bruit son ouvrage sur la table et
se prépara à écouter.
    — Comme je vous disais, monsieur, m’est avis que vous croiriez
pas à grand-chose si vous aviez passé votre vie ici, si vous y aviez été élevé.
Je vous demande pardon si c’est pas les bons mots que je me sers. Ce que je veux
dire quand je parle de croire, c’est réfléchir aux paroles, aux prêches et aux promesses
qui vous sont faits par des gens que vous avez jamais vus à propos des choses et
de la vie d’après, que vous avez jamais vues non plus, ni vous ni personne. Alors,
vous, vous dites que tout ça, c’est vrai, que ces paroles sont vraies et cette vie-là
aussi. Moi je pose seulement la question : « Où est la preuve ? »
Autour de moi, y a bien des gens qui sont plus intelligents que moi, et plus encore
qui sont plus instruits, des gens qu’ont eu le temps d’y réfléchir, à tout ça, alors
que moi, j’ai passé ma vie à travailler pour gagner mon pain. Vous savez, ces gens-là,
je les vois. Je connais la vie qu’y mènent. Y sont faits de chair et de sang. Ils
y croient pas, à la Bible ; non, jamais de la vie. Ils disent peut-être qu’ils
y croient, pour la forme, mais mon Dieu, monsieur, à votre avis, c’est quoi la première
phrase qu’ils disent le matin ? C’est : « Qu’est-ce que je peux faire
pour gagner ma vie éternelle ? », ou alors : « Qu’est-ce que
je vais bien pouvoir faire pour me remplir les poches au jour d’aujourd’hui ?
Où est-ce que je vais aller ? Quels marchés je peux espérer conclure ? »
La bourse, les billets, et les pièces d’or, ça, c’est du vrai pour eux : ça
peut se sentir, ça peut se palper. C’est bien réel. La vie éternelle, c’est pour
les parlottes ; c’est bon pour... faites excuse, monsieur, vous êtes un pasteur
sans travail, je crois. Vous savez, jamais je manquerai de respect à un homme qui
rame sur la même galère que moi. Maintenant, je veux juste vous poser une autre
question, monsieur. Je vous demande pas d’y répondre, mais de prendre votre pipe
et de la fumer avant de nous mépriser, nous autres qu’on croit seulement ce qu’on
voit, en nous prenant pour des imbéciles et des simples d’esprit. Si le salut, la
vie à venir et tout le tintouin, c’était vrai, pas pour faire des mots avec la bouche,
mais dans le cœur des hommes, vous croyez pas qu’on nous en rebattrait les oreilles,
comme avec l’économie politique ? Us font tout ce qu’ils peuvent pour nous
embobiner avec cette belle sagesse-là ; mais ça serait drôlement mieux de se
convertir à l’autre, si elle était vraie.
    — Mais les patrons n’ont rien à voir avec votre religion.
Leurs seuls liens avec vous sont ceux qu’ils ont par le travail, du moins c’est
ce qu’ils croient, et les seules opinions qu’ils se soucient de rectifier chez vous,
ce sont celles qui ont trait à la science du commerce.
    — Je suis bénaise, monsieur, dit Higgins en clignant de
l’œil de façon singulière, de vous avoir entendu ajouter « c’est ce qu’y croient ».
Sans ça, vous savez, je vous aurais pris pour un hypocrite, pasteur ou pas ;
ou même justement parce que vous êtes pasteur. Voyez, si vous m’auriez pas fait
comprendre que la religion, si elle est vraie, alors y a rien d’autre qui tient
en ce bas monde, et que le premier travail de chacun, c’est de faire entrer ça dans
la caboche des autres : si vous m’auriez pas dit ça, je vous aurais pris pour
un pasteur bien malhonnête. Et j’aime mieux vous prendre pour un sot que pour un
coquin, soit dit sans vous offenser, hein.
    — Non, non. Vous pensez que je suis dans l’erreur, et quant
à moi, je trouve que vous l’êtes encore bien plus. Je n’espère pas vous convaincre
en un jour, ni au bout d’une seule conversation ; mais faisons plus ample connaissance,
et parlons librement de tous ces sujets. La vérité l’emportera. Je ne croirais pas
en Dieu si je ne croyais pas cela. Mr Higgins, je suis persuadé que, même si
vous avez renoncé à beaucoup de choses, vous croyez toujours en Lui.
    Nicholas Higgins se dressa alors soudain, tout raide. Margaret
se releva d’un bond, car voyant les muscles de son visage se contracter, elle crut
qu’il allait être pris de convulsions. Mr Hale la regarda, consterné. Higgins
réussit enfin à parler.
    — Dites donc ! J’aurais bien envie de vous coller un
coup de poing qui vous expédie au sol.

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