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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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manière de son père que dans celle qui était d’ordinaire la sienne ; mais
aujourd’hui, ils semblaient avoir inversé les rôles.
    — Sa mère était espagnole, je crois. Cela explique sa religion.
Son père, quand je l’ai connu, était un presbytérien convaincu. Mais quel joli nom
musical !
    — Elle est très jeune ! Quatorze mois de moins que
moi ! Juste l’âge qu’avait Edith lorsqu’elle s’est fiancée au capitaine Lennox.
Nous irons les voir en Espagne, n’est-ce pas, papa ?
    Mr Hale secoua la tête. Cependant, il répondit :
    — Si tu veux, Margaret. Mais nous reviendrons ici. Si nous
partions de Milton à présent que ta mère y repose, elle qui a hélas toujours détesté
cette ville et qui ne peut plus venir avec nous, cela semblerait injuste et peu
respectueux de sa mémoire. Non, ma chère petite. Tu iras les voir et tu me feras
un rapport fidèle sur ma fille espagnole.
    — Non, papa, je n’irai pas sans toi. Qui prendra soin de
toi en mon absence ?
    — Je voudrais bien savoir lequel prend soin de l’autre !
Mais si tu y allais, je persuaderais Mr Thornton de me laisser lui donner deux
fois plus de cours. Nous avancerions fameusement dans l’étude des classiques. Ce
serait un intérêt de chaque instant. Toi, tu pourrais pousser un peu plus loin et
aller voir Edith à Corfou, si tu voulais.
    Margaret ne répondit pas tout de suite. Quand elle s’y décida,
ce fut d’un ton grave :
    — Je vous remercie, papa. Mais je ne tiens pas à y aller.
Espérons que grâce aux démarches habiles de Mr Lennox, mais Frederick pourra
venir nous présenter Dolores ici lorsqu’ils seront mariés. Quant à Edith, le régiment
ne restera plus très longtemps à Corfou. Peut-être les verrons-nous ici avant un
an.
    Les agréables sujets de conversation de Mr Hale étaient
épuisés. Un souvenir douloureux lui avait traversé l’esprit, le rendant silencieux.
Au bout de quelques instants, Margaret reprit :
    — Papa, avez-vous vu Nicholas Higgins à l’enterrement ?
Il y était avec Mary. Le pauvre homme. C’était sa manière de nous témoigner sa sympathie.
Sous ses dehors rudes et bourrus, il a bon cœur.
    — J’en suis convaincu, répondit Mr Hale. Je l’ai toujours
su, même quand tu essayais de me persuader qu’il avait toutes sortes de tares. Nous
irons les voir demain, si tu te sens assez forte pour marcher jusque là-bas.
    — Oh, oui, j’ai très envie de les voir. Nous n’avons pas
payé Mary. Ou plus exactement, d’après Dixon, elle a refusé de prendre ses gages.
Nous irons de façon à arriver juste après le repas, avant qu’il ne reparte au travail.
    Vers le soir, Mr Hale dit :
    — Je m’attendais presque à recevoir la visite de
Mr Thornton. Hier, il m’a parlé d’un livre qu’il possède et que j’avais envie
de lire, et il m’a dit qu’il essaierait de me l’apporter aujourd’hui.
    Margaret soupira. Elle savait qu’il ne viendrait pas. Il avait
trop de délicatesse pour courir le risque de la rencontrer, alors qu’il avait encore
si présente à la mémoire l’action qui l’avait couverte de honte. La seule mention
de son nom raviva son tourment et la fit retomber dans l’état de dépression et d’abattement
soucieux où elle se trouvait plus tôt. Elle sombra dans l’apathie. Soudain, il lui
apparut que c’était une étrange manière de montrer sa patience et de récompenser
son père de la vigilance avec laquelle il avait pris soin d’elle tout au long de
cette journée. Elle se redressa et lui proposa de lui faire la lecture. Comme il
y voyait mal, il accepta sa proposition avec plaisir. Elle lut fort bien et même
en mettant le ton. Mais lorsqu’elle eut fini, si on lui avait demandé le sens de
ce qu’elle avait lu, elle eût été incapable de répondre. Elle était tourmentée par
le sentiment de s’être montrée ingrate envers Mr Thornton, d’autant que le
matin même, elle s’était interdit toute reconnaissance en apprenant qu’il n’avait
pas demandé aux médecins plus amples informations, de façon à éviter une enquête.
Oh, maintenant, comme elle lui en savait gré ! Elle avait été lâche et menteuse,
et avait manifesté sa lâcheté et sa duplicité en commettant une action irréversible ;
mais elle n’était pas ingrate. Cela lui réchauffait un peu le cœur de savoir qu’elle
pouvait éprouver pareille reconnaissance envers un homme qui avait toutes les raisons
de la mépriser. Oui,

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