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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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reconnaissance, à ceci près qu’elle ne risquait peut-être pas d’en éprouver de
sitôt si son intervention avait été motivée par du mépris. Hélas ! Qui avait
autant de justes raisons de la mépriser ? Il fallait précisément que ce fût
Mr Thornton, qu’elle avait jusqu’ici considéré du haut de sa grandeur imaginaire !
Voilà qu’elle se trouvait soudain à ses pieds, et elle se sentait étrangement meurtrie
par cette humiliation. Elle répugnait à poursuivre les prémisses de son raisonnement
jusqu’à sa conclusion, et à s’avouer qu’elle attachait grand prix à l’estime de
cet homme et à son respect. Chaque fois qu’elle entrevoyait cette idée à l’issue
d’une longue suite de réflexions, elle s’en détournait et refusait d’y accorder
un quelconque crédit.
    Il était plus tard qu’elle ne pensait car, dans le tumulte de
la veille, elle avait oublié de remonter sa montre ; Mr Hale avait bien
spécifié qu’il fallait éviter de la déranger avec l’habituel branle-bas domestique.
Cependant, Dixon finit par ouvrir sa porte avec précaution et passer la tête dans
l’entrebâillement. Voyant que Margaret était réveillée, elle s’avança, une lettre
à la main.
    — Voilà de quoi vous réconforter, Miss. Une lettre de monsieur
Frederick.
    — Merci, Dixon. Est-il très tard ?
    Elle parlait d’une voix languissante et, lorsque Dixon posa la
lettre sur le couvre-lit, elle ne tendit même pas la main pour la prendre.
    — Vous voulez prendre votre petit déjeuner, assurément.
Je vous l’apporte dans une minute. Je sais que Monsieur a préparé votre plateau.
    Margaret ne répondit pas et la laissa sortir. Elle voulait être
seule pour lire sa lettre. Elle l’ouvrit enfin.
    La première chose qu’elle remarqua fut la date, celle de l’avant-veille.
Il avait donc écrit le jour dit, et leurs angoisses auraient pu être évitées. Elle
allait découvrir le contenu de la lettre. Elle était rédigée à la hâte, mais parfaitement
satisfaisante. Il avait vu Henry Lennox, qui en savait déjà assez sur l’affaire
pour secouer d’abord la tête avec réprobation et lui reprocher les risques énormes
qu’il avait pris en revenant en Angleterre alors qu’il était sous le coup d’une
accusation aussi grave et soutenue par des personnes puissantes et influentes. Mais
ensuite, lorsqu’ils en avaient discuté, Mr Lennox avait reconnu que Frederick
avait peut-être quelques chances d’être acquitté, s’il réussissait à trouver des
témoins crédibles pour appuyer ses dires. Auquel cas, cela pourrait valoir la peine
qu’il passe en jugement ; sinon, ce serait très risqué. Il examinerait l’affaire
et y mettrait tous ses soins. « Il m’est apparu, disait Frederick, que ta recommandation,
chère petite sœur, a pesé dans la balance. Ai-je raison ? Il m’a posé une multitude
de questions, je t’assure. Il m’a paru être intelligent et perspicace, et avoir
une bonne clientèle, à en juger par l’effervescence et le nombre de clercs que j’ai
vus chez lui. Mais ce ne sont peut-être là que ruses d’avocat. Je viens juste de
trouver un paquebot en partance, et j’embarque dans cinq minutes. Peut-être faudra-t-il
que je revienne en Angleterre pour l’affaire qui nous occupe, donc ne parle à personne
de ma visite. J’enverrai à mon père un vieux xérès fameux, tel qu’on ne peut en
trouver en Angleterre (rien à voir avec la bouteille que j’ai en face de moi en
ce moment !) Cela lui fera le plus grand bien. Transmets-lui toute mon affection.
Que Dieu le bénisse. Je suis sûr... Mais voilà mon fiacre. PS. Je l’ai échappé belle !
Surtout, pas un mot de ma visite à qui que ce soit, pas même aux Shaw. »
    Margaret retourna l’enveloppe. Sur le dessus, on lisait la mention :
« Trop tard. » La lettre avait sans doute été confiée à un garçon négligent
qui avait oublié de la poster. Oh, comme elles sont ténues, les arcanes du hasard
qui nous séparent de la tentation. Frederick était en lieu sûr et hors d’Angleterre
depuis vingt – non, trente heures ; et il n’y avait que dix-sept heures qu’elle
avait menti pour déjouer les poursuites qui, même alors, eussent été vaines. Comme
elle avait manqué de foi ! Où était-elle, sa fière devise : «  Fais
ce que dois, advienne que pourra * » ? Si seulement elle avait dit
courageusement la vérité en ce qui la concernait et défié les autres de lui

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