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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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comprit qu’il avait envie qu’on lui demande des explications.
    — Et les bonnes paroles sont... ?
    — Demander de l’ouvrage. Je crois qu’un homme peut rien
dire de mieux que « Donnez-moi de l’ouvrage ». Sous-entendu « Et
je la ferai de bon cœur ». Voilà des bonnes paroles.
    — Et les mauvaises paroles, c’est lorsqu’on vous refuse
du travail quand vous en demandez ?
    — Pardi ! Les mauvaises paroles, c’est quand on vous
dit : « Alors mon gars ! T’as voulu rester avec les gens de ton bord,
eh bien, moi, je serai fidèle à ceux du mien. T’as fait ce que tu pouvais pour ceux
qu’avaient besoin d’aide ; c’est ça, ta façon d’être fidèle à ceux de ton bord.
Moi, je serai fidèle à ceux du mien. T’as été bien bête, avec ta fidélité. Maintenant,
tu peux aller voir là-bas si j’y suis. Y a pas de travail pour toi ici. » Ça,
c’est des mauvaises paroles. Je suis pas idiot. Si je l’étais, on aurait dû m’apprendre
à raisonner autrement. Peut-être que j’aurais compris, si on avait essayé de m’apprendre.
    — Cela ne vaudrait-il pas la peine d’aller voir votre ancien
patron, pour lui demander de vous reprendre ? La chance est sans doute mince,
mais il faut la tenter quand même.
    Higgins releva les yeux et jeta un regard acéré à son interlocuteur ;
puis il eut un petit rire amer.
    — Ah, Monsieur ! Sans vous offenser, est-ce que je
peux vous poser une ou deux questions à mon tour ?
    — Faites, je vous en prie, répondit Mr Hale.
    — Vous devez bien gagner votre vie aussi d’une manière ou
d’une autre, non ? Quand on habite Milton, c’est rarement pour le plaisir,
sinon, on habiterait ailleurs.
    — Vous avez tout à fait raison. J’ai quelques biens indépendants,
mais mon intention en venant m’installer à Milton était de donner des cours particuliers.
    — A des élèves, donc. Alors ils doivent vous payer pour
les cours que vous leur donnez, non ?
    — Oui, répondit Mr Hale en souriant. J’enseigne pour
être payé.
    — Et ceux qui vous paient, est-ce qu’ils vous disent ce
que vous avez à faire ou à pas faire avec l’argent qu’ils vous donnent en juste
paiement de la peine que vous prenez, en échange, comme qui dirait ?
    — Non, bien sûr que non.
    — Ils vous disent pas : « Peut-être que vous avez
un frère, ou un ami que vous aimez comme un frère, qui a besoin de cet argent pour
une raison, qui vous paraît bonne à tous les deux ; seulement faut promettre
de rien lui donner. Vous avez peut-être envie de le dépenser pour faire ce qui vous
chante, mais à nous, ça nous plaît pas, alors si vous le dépensez à votre façon,
nous, on voudra rien avoir à faire avec vous. » Ils vous disent pas ça, hein ?
    — Non, bien sûr que non.
    — S’ils vous disaient ça, vous l’accepteriez ?
    — Il faudrait vraiment une pression très forte pour que
j’envisage de me soumettre à qui me dicterait ainsi ma conduite.
    — Eh bien pour moi, y’a pas de pression qui tienne, dit
Nicholas Higgins. Vous comprenez à présent ? Vous avez mis le doigt sur la
plaie. Hamper, mon ancien patron, a fait jurer à ses ouvriers de pas donner un sou
pour aider le syndicat ou pour empêcher les ouvriers renvoyés de crever de faim.
Les patrons, ils peuvent bien jurer et faire jurer, poursuivit-il avec mépris, ils
fabriqueront que des menteurs et des hypocrites. C’est toujours moins grave à mon
avis que d’endurcir le cœur des hommes au point qu’ils refusent d’aider ceux qui
sont dans le besoin ou de soutenir une bonne cause, même si elle va contre la loi
du plus fort. Moi, jamais on me fera me parjurer, même pour tout l’or du monde.
Je suis membre du syndicat et je suis persuadé que le syndicat, y’a pas mieux pour
défendre l’ouvrier. J’ai déjà été renvoyé, alors je sais ce que c’est de crever
de faim. Et si j’ai un shilling, je le partagerai avec ceux qui me le demandent.
Seulement, là, je vois pas où je vais trouver à gagner un shilling.
    — Cette règle interdisant d’appartenir au syndicat, est-elle
en vigueur dans toutes les usines ? demanda Margaret.
    — Je peux pas vous dire. C’est une règle nouvelle chez nous.
Et je pense qu’ils finiront par se rendre compte qu’ils peuvent pas l’appliquer.
Mais déjà, ils vont s’apercevoir que la tyrannie est la mère du mensonge.
    Il y eut un silence. Margaret hésitait à dire ce qu’elle pensait,
car

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