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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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la misère. Il y est allé quand même, prêt à promettre
n’importe quoi, à s’engager à n’importe quoi, à raconter tout ce qu’il savait sur
nos faits et gestes, ce bon à rien, ce Judas ! Mais à la décharge de Hamper,
et de ça je le remercierai jusqu’à mon dernier souffle, il a renvoyé Boucher, il
a jamais voulu l’écouter, non, pas un mot ! Pourtant, y a des gens qui assistaient
à la scène qui ont dit que Boucher pleurait comme un bébé.
    — Oh, mais c’est lamentable, c’est pitoyable ! s’exclama
Margaret. Higgins, je ne vous reconnais pas aujourd’hui. Vous ne voyez donc pas
que c’est vous qui avez fait de Boucher ce qu’il est maintenant, en le forçant à
entrer au syndicat contre sa volonté alors que le cœur n’y était pas. C’est vous
qui avez fait de lui ce qu’il est !
    Fait de lui ce qu’il est ! Qu’était-il donc ?
    Peu à peu, peu à peu dans l’étroite ruelle grandit une rumeur
sourde et mesurée, qui s’imposa à leur attention. Des voix qui parlaient bas. Des
pas nombreux qui ne semblaient pas avancer, du moins à un rythme rapide et régulier,
mais plutôt tourner autour d’un point donné. Oui, c’était comme un piétinement,
lent et distinct, qui se frayait un chemin dans l’air et parvenait à leurs oreilles :
la marche lente et laborieuse d’hommes lourdement chargés. Une irrésistible impulsion
les attira tous à la porte de la maison, poussés non par une curiosité de mauvais
aloi, mais comme par une sonnerie de trompette solennelle.
    Six hommes marchaient au milieu de la route, dont trois étaient
des agents de police. Ils avaient sur les épaules une porte qu’on avait sortie de
ses gonds, sur laquelle reposait le corps d’un homme. Et de l’eau ruisselait de
tous les côtés. Tous les habitants de la rue étaient sortis pour voir, et ayant
vu, se joignaient à la procession, questionnant les porteurs qui, fatigués d’avoir
dit et répété leur histoire, répondaient de mauvais gré.
    — On l’a trouvé dans le ruisseau du champ là-bas.
    — Le ruisseau ! Mais il n’y a pas assez d’eau pour
noyer un homme.
    — C’était un gars qu’avait de la suite dans les idées. Il
était couché le visage dans l’eau. Il en avait assez de la vie, allez savoir pourquoi.
    Higgins se rapprocha de Margaret et d’une voix aiguë et défaillante,
demanda :
    — C’est pas John Boucher ? Il aurait pas eu l’estomac
de faire ça ? C’est sûr. C’est pas John Boucher ! Ah mais dites, ils regardent
par ici ! Écoutez. Moi, j’ai la tête qui me bourdonne tellement que j’entends
rien.
    Ils posèrent la porte sur les pavés avec précaution, et tout
le monde put voir le malheureux noyé, avec ses yeux vitreux, dont l’un était mi-clos
et regardait vers le ciel. A cause de la position dans laquelle on l’avait trouvé,
son visage gonflé avait changé de couleur ; de plus, sa peau avait été tachée
par l’eau du ruisseau, qui était utilisée pour les teintures. Il avait le sommet
du crâne chauve, mais derrière sa tête, chaque mèche de ses cheveux fins et longs
ruisselait. En dépit de tous ces ravages, Margaret reconnut John Boucher. Il lui
sembla si sacrilège de regarder ce malheureux visage déformé et douloureux que spontanément,
elle s’avança et recouvrit doucement de son mouchoir la face du mort. Ceux qui la
virent faire cela la suivirent des yeux lorsqu’elle se releva après son geste de
piété, et ils découvrirent ainsi Nicholas Higgins, qui semblait cloué sur place.
Il y eut un conciliabule parmi les porteurs, dont l’un s’approcha de Higgins, qui
se fût volontiers réfugié dans sa maison.
    — Higgins, tu le connaissais ! Faut aller prévenir
sa femme. Fais ça doucement, mais vite, parce qu’on peut pas le laisser ici.
    — Je peux pas, dit Higgins. Me demandez pas ça. Je peux
pas aller la voir.
    — Tu la connais mieux que nous, dit l’homme. On a déjà fait
beaucoup en l’amenant jusqu’ici. A ton tour maintenant.
    — J’peux pas ! protesta Higgins. Déjà que je suis assommé
de le voir. On s’aimait pas ; et à cette heure il est mort.
    — Bon, si tu veux pas, tu veux pas. Faut bien que quelqu’un
le fasse, pourtant. C’est un sale boulot. Mais elle risque à chaque instant de l’apprendre
d’une façon plus brutale. Vaudrait mieux pas lui annoncer la nouvelle d’un seul
coup, vous savez.
    — Papa, allez-y, je vous en prie, souffla Margaret.
    — Si je

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