Nord et sud
jours de son chagrin, elle aurait pu prendre d’autres dispositions),
avant ce mercredi, donc, Margaret reçut une lettre de Mr Bell.
Ma chère Margaret,
J’avais l’intention de retourner à Milton jeudi, mais malheureusement,
il se trouve que c’est l’une des rares occasions pour lesquelles nous autres, professeurs
de Plymouth Collège, avons des obligations, et je ne peux pas m’absenter. Le capitaine
Lennox et Mr Thornton sont ici. Le premier me paraît être un homme élégant
et bien intentionné ; il a proposé d’aller à Milton et de vous aider à chercher
le testament ; naturellement, il n’y en a pas, sinon, vous l’auriez trouvé
à l’heure qu’il est, si vous avez suivi mes directives. Ensuite, le capitaine déclare
qu’il doit vous emmener chez lui ainsi que sa belle-mère ; alors, étant donné
l’état actuel de sa femme, je vois mal comment vous pourriez vous attendre à ce
qu’il reste au-delà de vendredi. Quoi qu’il en soit, votre Dixon est une personne
de confiance, capable de défendre ses positions, ou les vôtres, jusqu’à mon arrivée.
S’il n’y a pas de testament, je remettrai l’affaire entre les mains de mon avocat
de Milton ; car je doute que ce fringant capitaine entende grand-chose aux
affaires. À part cela, il a des moustaches splendides. Il faudra vendre les meubles,
aussi choisissez les objets que vous voulez mettre de côté. Sinon, vous pourrez
envoyer une liste plus tard. Maintenant, j’ai encore deux choses à vous dire, après
quoi j’en aurai terminé. Vous savez – ou vous ne savez pas, mais votre pauvre père
en était informé – qu’à ma mort vous devez hériter de tout mon argent et de mes
biens. Non que j’aie l’intention de mourir encore ; mais je mentionne ceci
pour expliquer la suite. Ces Lennox semblent vous être très attachés ; peut-être
continueront-ils à l’être ; ou peut-être pas. Aussi vaut-il mieux commencer
par un accord officiel, à savoir que vous leur paierez deux cent cinquante livres
par an tant que vous trouverez les uns et les autres de l’agrément à vivre ensemble.
(Naturellement, cette somme comprend Dixon ; veillez à ne pas vous laisser
persuader de payer davantage pour elle.) Ainsi, vous ne serez pas abandonnée à vos
propres ressources. Si un jour le capitaine souhaite avoir sa maison à lui tout
seul, vous pourrez partir ailleurs avec vos deux cent cinquante livres sous le bras ;
à moins que d’ici-là, je ne vous aie demandé de venir diriger ma maison. Pour ce
qui est des vêtements, des gages de Dixon, de vos dépenses personnelles et des friandises
(toutes les jeunes filles mangent des friandises jusqu’à ce que la sagesse vienne
avec l’âge), je consulterai une dame de ma connaissance et verrai combien votre
père vous a laissé avant de fixer une somme à cette intention. Alors, Margaret,
vous êtes-vous mise en colère en lisant ma lettre, en vous demandant de quel droit
ce vieux monsieur réglait si cavalièrement vos affaire à votre place ? Je gage
que oui. Et pourtant, le vieux monsieur a un droit. Il a aimé votre père pendant
trente-cinq ans ; il a été son témoin le jour de son mariage ; il lui
a fermé les yeux à sa mort. De plus, il est votre parrain. Et comme il ne peut vous
faire beaucoup de bien sur le plan spirituel, conscient à part lui de votre supériorité
en la matière, il n’est que trop heureux de pouvoir vous rendre le modeste service
de vous doter matériellement. Et le vieux monsieur n’a aucun parent sur cette terre ;
« Qui va pleurer Adam Bell ? ». Aussi a-t-il bien arrêté sa décision,
et ce n’est pas Margaret Hale qui lui dira « non ». Écrivez-moi par retour,
ne fût-ce que deux lignes, pour me donner votre réponse. Mais pas de remerciements .
Margaret prit une plume et griffonna d’une main tremblante :
« Ce n’est pas Margaret Hale qui vous dira non. » Dans l’état de faiblesse
où elle se trouvait, elle ne put trouver d’autre formule, et pourtant, elle était
contrariée d’utiliser celle-ci. Mais ce léger effort l’épuisa tant que même si elle
avait pu trouver d’autres paroles pour accepter, elle n’eût pas eu la force de rester
assise pour l’écrire. Elle fut obligée de s’étendre à nouveau et essaya de ne penser
à rien.
— Mon enfant chérie ! Cette lettre t’a-t-elle troublée
ou contrariée ?
— Non, dit Margaret d’une voix faible. J’irai mieux demain,
quand tout sera
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