Nord et sud
terminé.
— Et moi, ma chérie, je suis sûre que tu n’iras mieux que
lorsque je t’aurai sortie de cet endroit où l’air est abominable. Comment tu as
pu le supporter pendant deux ans, c’est ce que je n’arrive pas à concevoir.
— Où aurais-je pu aller ? Je ne pouvais pas laisser
papa et maman.
— Surtout, ne te désole pas, ma petite fille. Sans doute
as-tu fait pour le mieux, mais je n’avais aucune idée de la façon dont tu vivais.
La femme de notre maître d’hôtel habite une maison plus confortable que celle-ci.
— Elle est parfois très agréable, en été. Vous ne pouvez
en juger d’après ce que vous voyez maintenant. J’ai été très heureuse ici.
Là-dessus, Margaret ferma les yeux de manière à mettre fin à
la conversation.
Mille et une commodités inconnues jusque-là dans la maison y
avaient été introduites. Les soirées étant fraîches, Mrs Shaw avait fait allumer
du feu dans chaque pièce. Elle dorlotait Margaret autant qu’elle le pouvait et achetait
toutes les douceurs ou tous les objets d’agrément dans lesquels elle aurait cherché
réconfort et refuge. Mais Margaret se montrait indifférente à tout cela ; ou,
si ces détails s’imposaient à son attention, c’était simplement comme des raisons
d’être reconnaissante à sa tante, qui s’ingéniait à lui faire plaisir. Malgré sa
faiblesse, elle était nerveuse. Toute la journée, elle s’efforça de ne pas penser
à la cérémonie qui se déroulait à Oxford : elle circula de pièce en pièce,
mettant languissamment de côté les objets qu’elle souhaitait conserver. A la demande
de Mrs Shaw, Dixon la suivait partout, sous prétexte de prendre ses instructions,
mais avec mission de la pousser à prendre du repos dès que possible.
— Je vais garder ces livres, Dixon. Quant aux autres, pouvez-vous
les envoyer à Mr Bell ? Ce sont des ouvrages qu’il appréciera pour leur
contenu, et aussi parce qu’ils lui rappelleront papa. Celui-ci, je souhaite que
vous l’apportiez à Mr Thornton après mon départ. Attendez, je vais écrire un
petit mot d’accompagnement.
Elle s’assit précipitamment, comme si elle redoutait de réfléchir,
et écrivit :
Cher Monsieur,
Je suis sûre que vous apprécierez ce livre en mémoire de mon
père, à qui il appartenait.
Sincèrement vôtre,
Margaret Hale.
Elle reprit sa déambulation dans la maison, tourna et retourna
des objets qu’elle connaissait depuis l’enfance avec une sorte de tendresse, répugnant
à s’en séparer, si démodés, usés et défraîchis qu’ils fussent. Mais elle ne dit
presque rien ; et lorsque Dixon fit son rapport à Mrs Shaw, elle déclara
qu’« elle doutait fort que Miss Hale ait entendu un seul mot de ce qu’elle
avait dit, bien qu’elle eût parlé presque sans interruption, afin de lui changer
les idées ». Comme Margaret avait été debout toute la journée, elle se trouva
excessivement fatiguée dans la soirée et goûta cette nuit-là un meilleur repos qu’elle
ne l’avait fait depuis la mort de Mr Hale.
Le lendemain au petit déjeuner, elle exprima le désir d’aller
prendre congé d’un ou deux amis.
— Je suis sûre, ma chère enfant, que tu ne peux avoir ici
d’amis avec qui tu sois assez intime pour justifier ta visite si tôt après ton deuil,
et avant d’être allée à l’église.
— Mais aujourd’hui est le seul jour qui me reste. Si le
capitaine Lennox arrive cet après-midi et si nous devons... si je dois vraiment
partir demain...
— Oh oui, nous partirons demain. Je suis de plus en plus
convaincue que l’air d’ici est mauvais pour toi, et que c’est à cause de cela que
tu es si pâle et que tu as l’air si souffrante. De plus, Edith nous attend, elle
compte sans doute sur moi ; et tu ne peux rester seule à ton âge. Non, si tu
dois absolument faire ces visites, j’irai avec toi. Dixon peut nous appeler une
voiture, je suppose ?
Ainsi Mrs Shaw accompagna-t-elle Margaret pour prendre soin
d’elle tout en emmenant sa femme de chambre avec elle pour prendre soin des châles
et des coussins à air. Margaret était trop triste pour sourire en voyant ce déploiement
de préparatifs pour deux visites qu’elle avait souvent faites à n’importe quelle
heure du jour. Elle redoutait presque d’avouer que l’un des deux endroits où elles
se rendaient était la maison de Nicholas Higgins ; elle espérait seulement
que sa tante serait trop indisposée pour
Weitere Kostenlose Bücher