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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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à peine si l’on connaissait l’existence
du tracas ou du souci. Les rouages du mécanisme de la vie quotidienne y étaient
bien huilés et tournaient avec une délicieuse aisance. Mrs Shaw et Edith ne
savaient que faire pour lui être agréables et fêter son retour dans ce qu’elles
persistaient à appeler sa maison. Et elle se jugeait un peu ingrate d’avoir le sentiment
que le presbytère de Helstone, voire la petite maison de Milton, avec son père inquiet
et sa mère malade, ainsi que tous les petits soucis domestiques d’une pauvreté relative,
ressemblaient davantage à ce qui, selon elle, constituait un foyer. Edith avait
hâte de se remettre, afin de pouvoir remplir la chambre de Margaret de jolies babioles
ainsi que de toutes les commodités qui rendent la vie plus douce, et qui abondaient
dans la sienne. Mrs Shaw et sa femme de chambre trouvèrent amplement matière
à s’occuper pour remettre en état la garde-robe de Margaret et lui redonner élégance
et variété.
    Le capitaine Lennox était facile à vivre, gentil et courtois ;
il tenait compagnie à sa femme dans son cabinet de toilette une heure ou deux chaque
jour, jouait avec son petit garçon encore une heure, et passait le reste de son
temps à son club lorsqu’il n’était pas invité à déjeuner dehors. Juste avant que
Margaret ne cesse d’avoir besoin de calme et de repos, avant qu’elle ne juge sa
vie ennuyeuse et vide, Edith quitta ses appartements pour reprendre son rôle habituel
dans la maisonnée. Alors, Margaret retomba dans son ancienne habitude d’observer
sa cousine, de l’admirer et de l’assister. Elle la déchargea bien volontiers de
minuscules obligations, répondit aux messages qui lui étaient adressés, lui rappela
ses engagements, lui prodigua ses soins lorsque, faute de divertissement en perspective,
sa cousine avait tendance à se croire malade. Mais tout le reste de la famille était
fort occupé car la saison battait son plein à Londres, et Margaret restait souvent
seule. Ses pensées retournaient alors vers Milton, et s’attardaient sur l’étrange
contraste entre la vie que l’on menait là-bas et celle de Londres. Elle se lassait
de la facilité monotone de cette existence qui ne demandait ni effort ni labeur.
Elle redoutait de s’engourdir dans une sorte de somnolence et d’oublier tout ce
qui n’était pas cette vie où elle baignait dans le luxe. Sans doute y avait-il à
Londres des gens qui gagnaient leur pain à la sueur de leur front, mais elle ne
les voyait jamais. Les domestiques eux-mêmes vivaient dans un monde souterrain à
part, dont elle ne connaissait ni les espoirs ni les craintes ; ils semblaient
ne commencer à exister que lorsque leur présence était requise pour satisfaire un
besoin ou un caprice de leur maître ou de leur maîtresse. Il y avait un vide insatisfait
dans le cœur de Margaret. Un jour où elle avait discrètement fait allusion à ce
sentiment devant Edith, cette dernière, fatiguée d’avoir dansé la veille, caressa
languissamment la joue de sa cousine assise à côté d’elle comme par le passé, sur
un tabouret près du divan où elle était étendue.
    — Pauvre petite, dit Edith. Ce doit être un peu triste pour
toi de rester seule soir après soir juste au moment où tout le monde s’amuse tant.
Mais bientôt, nous redonnerons des dîners, dès que Henry sera revenu de sa tournée
judiciaire, et cela te distraira un peu. Il n’est pas étonnant que tu t’ennuies.
    Margaret n’avait pas l’impression que des dîners seraient une
panacée. Pourtant, Edith se piquait d’en donner de très différents, disait-elle,
« des dîners de douairière du règne de maman » ; mais malgré ces
différences dans l’organisation des réceptions et le cercle des relations prisées
par le capitaine Lennox et sa femme, Mrs Shaw paraissait en tirer tout autant
de plaisir que des mondanités plus formelles et plus solennelles qu’elle organisait
jadis. Le capitaine Lennox traitait Margaret avec une gentillesse fraternelle. Elle
l’aimait beaucoup, sauf lorsqu’il prêtait une attention excessive aux tenues d’Edith
et à son apparence, soucieux que sa beauté fasse grande impression dans le monde.
La Vashti [103] qui sommeillait en Margaret s’éveillait alors et elle avait du mal à taire ses sentiments.
    Ses journées se déroulaient ainsi : une ou deux heures tranquilles
avant un petit déjeuner tardif, repas pris à une heure variable par des gens

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