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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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tant d’autres. On en a mis de côté et on est décidés : ou ça passe,
ou ça casse, mais on reste ensemble ; y a pas chez nous un seul homme qui acceptera
de travailler pour moins que ce que demande le syndicat. Alors moi je dis « bravo
pour la grève » et ils ont qu’à bien se tenir, les Thornton, les Slickson,
les Hamper et leur clique !
    — Thornton ! s’exclama Margaret. Mr Thornton,
de Malborough Street ?
    — Ouais ! Thornton de la manufacture, Thornton de Marlborough
Mills, comme on dit.
    — Il fait partie des patrons que vous combattez, alors ?
Quel genre de patron est-il ?
    — Vous avez déjà vu un bouledogue ? Mettez un bouledogue
sur ses pattes de derrière, habillez-le avec des culottes et une veste, et vous
aurez John Thornton tout craché.
    — Oh, non, protesta Margaret en riant, je ne suis pas d’accord
avec vous. Mr Thornton n’est pas très beau, mais il n’a rien d’un bouledogue
avec un nez écrasé et une lèvre supérieure retroussée !
    — Non, c’est vrai, il a pas cette figure-là. Mais quand
John Thornton a une idée, il s’y cramponne comme un bouledogue ; faudrait prendre
une fourche et se battre pour lui faire lâcher prise. Ah, ça, c’est un bon adversaire,
John Thornton. Quant à Slickson, à ce que je vois, il va bien arriver à convaincre
ses ouvriers de retourner travailler avec de belles promesses ; et ils seront
refaits dès qu’ils se retrouveront en son pouvoir. Je parie qu’il récupérera sur
leur dos les amendes qu’il a eu à payer. Ce type-là, il vous glisse entre les doigts.
On dirait un chat : mielleux, rusé et cruel. Avec lui, ça sera jamais une bagarre
franche et ouverte, comme avec Thornton. Celui-là, il est têtu comme pas deux ;
un obstiné. Un vrai bouledogue, je vous dis !
    — Pauvre Bessy ! s’exclama Margaret en se tournant
vers la jeune fille. Tout cela vous fait soupirer. Votre père aime la bagarre, mais
pas vous ! Je me trompe ?
    — Non, répondit-elle d’une voix lasse. J’en ai soupe. Pendant
mes derniers jours, j’aurais bien aimé entendre parler d’autre chose que des disputes,
des crosses et des noises à propos du travail, des salaires, des patrons, des ouvriers
et des jaunes.
    — Ma pauvre petiote ! Allez, pense plus à l’autre monde !
Tu vois, avec un petit peu de changement et de mouvement, t’as déjà bien meilleure
mine. Et puis, je vais être davantage à la maison, ça sera plus gai pour toi.
    — La fumée de tabac me fait tousser, fit-elle d’un ton chagrin.
    — Alors, je fumerai plus dans la maison, annonça-t-il avec
tendresse. Mais pourquoi tu me l’as jamais dit avant, sosotte !
    Elle ne répondit pas tout de suite, et quand elle parla, ce fut
si bas que seule Margaret l’entendit :
    — Je suis bien sûre que c’est pas pour autant qu’il renoncera
au plaisir qu’il a à fumer ou à boire.
    Son père sortit, manifestement pour finir sa pipe.
    — Qu’est-ce que je suis bête, quand même, hein
Miss ! Je le sais bien, que je devrais tout faire pour qu’il reste ici, mon
père, pour qu’il rencontre pas les autres, là, ceux qui en temps de grève sont toujours
prêt à l’emmener boire. Et voilà que je trouve le moyen de trop parler, et que je
lui reproche de fumer sa pipe. Le résultat, c’est qu’il ira ailleurs toutes les
fois qu’il voudra fumer, et bien malin qui peut dire comment ça finira. J’aurais
mieux fait de m’étouffer à force de tousser.
    — Votre père boit ? demanda Margaret.
    — Oh, c’est pas un ivrogne, répondit-elle, toujours du même
ton fébrile. Mais qu’est-ce que vous voulez ? Y a des jours où, comme tout
le monde, vous trouvez le temps long et vous aimeriez un petit quelque chose qui
sort de l’ordinaire et qui vous requinque, voyez. Moi, par exemple, une fois comme
ça, je suis allée acheter mon pain de quatre livres ailleurs que chez mon boulanger
ordinaire, parce que j’en pouvais plus de continuer avec toujours le même bruit
dans les oreilles et le même goût dans la bouche et les mêmes pensées dans ma tête
– ou le même vide, je devrais dire – jour après jour et encore toujours. J’aurais
bien voulu être un homme pour aller voir ailleurs, même si c’était rien que pour
aller chercher du travail. Mais mon père et ses collègues, ils se fatiguent plus
vite que moi de la monotonie et du labeur qu’en finit pas. Et qu’est-ce que vous
voulez qu’ils fabriquent, hein ? On peut pas

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