Nord et sud
la remettre sur pied
rapidement. Elle a été très fatiguée ces temps derniers, entre la chaleur et les
difficultés qu’il y a à trouver une domestique. Un peu de repos lui permettra de
se rétablir, n’est-ce pas, Margaret ?
— Je l’espère, répondit Margaret, mais d’un ton si triste
que son père le remarqua.
Il lui pinça la joue.
— Allons, si tu es aussi pâle, il faut que je te mette un
peu de rouge au visage. Prends soin de toi, mon enfant, car si cela continue, c’est
pour toi qu’il faudra appeler le docteur.
Mais ce soir-là, il ne tenait pas en place. Il ne cessait d’aller
dans la chambre de sa femme, marchant laborieusement sur la pointe des pieds, pour
voir si elle dormait toujours. Margaret se désolait en le voyant aussi agité, car
il essayait manifestement de réprimer et de vaincre la peur hideuse tapie dans les
recoins les plus obscurs de son cœur.
Il revint enfin, un peu rasséréné :
— Elle est réveillée maintenant, Margaret. En me voyant
à côté d’elle, elle a souri. C’était son sourire d’autrefois. Elle dit qu’elle se
sent reposée et prête à prendre le thé. Où est le message qui lui est destiné ?
Elle veut le voir. Je le lui lirai pendant que tu prépares le thé.
Le message en question était une invitation en bonne et due forme
de Mrs Thornton qui priait Mr et Mrs Hale et leur fille à dîner,
le vingt et un courant. Margaret fut surprise de voir que l’invitation n’était pas
repoussée d’emblée, après toutes les tristes nouvelles qu’avait apportées la journée.
Mais elle dut se rendre à l’évidence. Mrs Hale avait été séduite par l’idée
que son mari et sa fille iraient à ce dîner, avant même que Margaret ait appris
le contenu du message. L’événement apportait de la variété dans sa vie de malade ;
et lorsque Margaret exprima des réserves, sa mère se cramponna à ce projet avec
une obstination fébrile.
— Allons, Margaret, si ta mère y tient, nous irons tous
les deux de bonne grâce. Jamais elle n’aurait insisté si elle ne se sentait pas
vraiment mieux... en meilleure santé que nous ne le pensions, n’est-ce pas, Margaret ?
dit Mr Hale d’un ton pressant le lendemain, tandis qu’elle s’apprêtait à envoyer
une réponse acceptant l’invitation.
— N’est-ce pas, Margaret ? répéta-t-il, avec un geste
nerveux des mains. Cela semblait cruel de lui refuser le réconfort qu’il implorait.
De plus, son refus passionné d’admettre la crainte inspirait presque de l’espoir
à Margaret.
— Je crois en effet qu’elle va mieux qu’hier, répondit-elle.
Elle a le regard plus vif et meilleure mine.
— Dieu soit loué, dit son père avec ardeur. Mais est-ce
bien vrai ? Hier, il faisait si lourd que tout le monde était incommodé. C’est
très dommage que ce soit justement ce jour-là que le docteur Donaldson l’ait vue.
Mr Hale partit donc s’acquitter des tâches de la journée,
auxquelles était venue s’ajouter la préparation de quelques conférences qu’il avait
promis de donner aux ouvriers dans un institut du voisinage. Il avait choisi pour
sujet l’architecture religieuse, plus parce qu’il correspondait à ses goûts et à
ses compétences personnelles que parce qu’il convenait au lieu, aux attentes et
aux besoins d’information du public auquel il devait s’adresser. Quant à l’institution
elle-même, déficitaire, elle n’était que trop contente d’avoir obtenu un cours gratuit
de la part d’un homme aussi instruit et cultivé que Mr Hale, quel que soit
le sujet.
— Alors, maman, qui a accepté votre invitation pour le vingt
et un ? demanda Mr Thornton à sa mère ce soir-là.
— Fanny, où sont les réponses ? Les Slickson ont accepté,
les Collingbrook et les Stephen aussi. Les Brown se sont excusés. Les Hale père
et fille viennent, mais la mère est trop mal portante. Les Macpherson seront présents,
ainsi que Mr Horsfall et Mr Young. Je pensais inviter les Porter, puisque
les Brown ne peuvent pas venir.
— Parfait. Vous savez, je crois que Mrs Hale n’est
vraiment pas en bonne santé, d’après ce que m’a dit le docteur Donaldson.
— C’est curieux qu’ils aient accepté une invitation à dîner
si elle est très malade, dit Fanny.
— Je n’ai pas dit qu’elle était très malade, rétorqua son
frère non sans brusquerie. J’ai seulement dit qu’elle n’était pas en bonne santé.
Ils n’en savent peut-être
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