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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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irait plutôt
voir Bessy Higgins. Cela ne lui ferait pas autant de bien qu’une promenade à la
campagne, mais ce serait plus charitable.
    Nicholas Higgins était assis à fumer au coin du feu. De l’autre
côté de la cheminée, Bessy se balançait dans son fauteuil. En voyant Margaret, Nicholas
ôta la pipe de sa bouche, se leva et poussa son fauteuil vers elle. Il s’appuya
nonchalamment contre la cheminée pendant que Margaret demandait à Bessy des nouvelles
de sa santé.
    — Pour ce qui est du moral, elle broie du noir, répondit
Higgins ; mais pour ce qui est de la santé, elle va plutôt mieux. Elle aime
pas la grève. Elle tient bien trop à la tranquillité à tout prix.
    — C’est la troisième grève que je vois, soupira Bessy, comme
si cette seule explication suffisait.
    — La troisième, c’est la bonne. Tu vas voir qu’on les aura,
les patrons, cette fois-ci. Tu vas voir qu’ils viendront nous supplier de retourner
au travail au prix qu’on voudra. Un point c’est tout. Les autres fois, on a raté
notre coup, c’est vrai ; mais cette fois, on l’a sacrement bien calculé.
    — Pourquoi faites-vous la grève ? demanda Margaret.
Vous vous arrêtez de travailler jusqu’à ce qu’on vous donne le salaire que vous
demandez, c’est ça ? Ne soyez pas surpris de mon ignorance ; là où je
vivais avant, je n’avais jamais entendu parler de grève.
    — J’aimerais bien habiter là-bas, dit Bessy d’une voix lasse.
Mais ça rime à rien que j’en aie par-dessus les oreilles de la grève, puisque
après celle-là, j’en verrai pas d’autre. Elle sera pas finie que je serai déjà dans
la Cité de Dieu, la Sainte Jérusalem.
    — A force de penser à la vie future, le présent, il compte
plus pour elle. Tandis que moi, voyez, je suis bien obligé de me décarcasser tant
que je suis sur terre. Mieux vaut tenir que courir. On a pas les mêmes idées sur
la grève, nous deux.
    — Là d’où je viens, répliqua Margaret, si les gens faisaient
la grève, comme vous dites, les semences ne seraient pas faites, ni le foin rentré,
et il n’y aurait pas de récolte de blé, parce que la plupart des hommes s’occupent
aux travaux des champs.
    — Et alors ? lança Higgins. Il avait repris sa pipe,
et articulé ces deux mots sur un ton interrogateur.
    — Eh bien, qu’adviendrait-il des fermiers ?
    Il tira quelques bouffées :
    — De deux choses l’une : ils auraient ou à abandonner
leur ferme ou à augmenter sérieusement les salaires.
    — Et s’ils ne pouvaient ni ne voulaient en passer par là ?
Ils ne pourraient pas abandonner leur ferme à la minute, même s’ils le souhaitaient ;
et ils n’auraient ni foin, ni blé à vendre. Alors où trouveraient-ils l’argent pour
payer le salaire de leurs ouvriers le jour venu ?
    Higgins continua à tirer sur sa pipe.
    — Je connais rien à vos habitudes du Sud ni à vos gens,
reprit-il enfin. J’ai entendu dire qu’y sont de vraies loques qui se laissent marcher
dessus, des crève-la-faim. Ici, c’est pas la même chanson. Quand on cherche à nous
exploiter, on s’en rend compte et on voit rouge. On arrête nos machines et on dit :
« Alors comme ça, vous voulez nous faire crever de faim, hein ? Mais on
va pas se laisser faire, mes beaux messieurs. » Et cette fois-ci, ils sont
frits !
    — Ah si seulement j’habitais dans le Sud ! dit Bessy.
    — Il y a beaucoup de choses pénibles à supporter là-bas,
répondit Margaret. Des chagrins, on en trouve partout. Il faut travailler très dur,
et la nourriture qui redonne des forces n’est pas abondante.
    — Oui, mais on travaille dehors, fit remarquer Bessy. Et
il y a pas ce bruit qui s’arrête jamais, ni cette chaleur intenable.
    — Parfois, les récoltes se font sous une pluie battante,
ou par un froid glacial. Les jeunes le supportent, mais les vieux attrapent des
rhumatismes, ils sont perclus et courbés avant l’âge ; malgré tout, ils sont
bien obligés de le faire s’ils ne veulent pas aller à l’hospice.
    — Je croyais que pour vous, y avait rien de mieux que le
Sud !
    — C’est vrai, dit Margaret avec un petit sourire, se voyant
prise en défaut. Ce que je veux dire, Bessy, c’est que partout dans ce monde, il
existe du bon et du mauvais ; et qu’il est juste que vous connaissiez aussi
les mauvais côtés du Sud.
    — Et vous dites qu’ils font jamais grève en bas ? demanda
Nicholas à brûle-pourpoint.
    — Non, répondit

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