Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
pas seulement une pratique érotique. Mais nos voyageurs n’ont d’autre solution que de réduire ce qu’ils voient à des catégories mentales où cela n’entre pas. Et dans les nôtres, où devrions-nous classer ces mêmes hommes-femmes ? En fait-on des homos ? Doit-on parler de transgenre ? Où classer alors le mari du berdache, qui pouvait tout aussi bien, selon les récits, avoir déjà plusieurs autres épouses ? On en fait un bi ?
Louis XIII ou Jacques I er d’Angleterre
Restent, au-delà de la sociologie et des cases dans lesquelles on range les individus, certains invariants. Un fait est là qui existe aujourd’hui comme hier, ici comme ailleurs : le désir qu’un certain nombre d’humains éprouvent pour les gens de leur sexe. Il n’est pas apparu avec le xix e ou le xx e siècle. Il y a fort à parier qu’il était présent en même proportion dans la population d’Orléans ou de Marseille sous Philippe Auguste, sous Napoléon ou à la Renaissance. La seule différence est qu’aujourd’hui il peut s’exprimer plus librement, sans craindre les foudres de la société. C’est le problème. Comment trouver sa trace dans des sociétés où son expression publique était interdite ? Pour le savoir, l’historien en est réduit à se cantonner aux quelques franges de la population qui pouvaient échapper à la loi commune, ou qui vivaient tellement exposées au regard de tous qu’il leur était difficile de rien cacher.
Par exemple les rois. On vient de le voir pour Henri III, il faut faire attention aux sources utilisées. L’inclination de certains monarques pour des hommes est néanmoins bien établie. Richard Cœur de Lion eut de nombreuses aventures de ce type, il passe même, on l’a mentionné déjà, pour avoir eu une histoire de cœur avec Philippe Auguste. Édouard II d’Angleterre, gendre de Philippe le Bel, était fou d’amour pour le beau Gaveston. Christopher Marlowe, grand dramaturge du xvi e siècle, partageant ce goût, écrivit sur cette histoire une tragédie extraordinaire. Selon un chroniqueur du temps – mais un seul (cité par Georges Minois 2 ), Philippe de Valois « aima d’un amour particulier » son favori, Charles de la Cerda. On sait aussi qu’il fallait littéralement traîner Louis XIII dans le lit de sa femme pour tenter de donner une descendance à la dynastie, et qu’il se consuma de passion pour nombre de ses proches : Luynes, dont il fit un duc et son ministre, ou le superbe chevalier de Cinq-Mars, qui se perdit en osant comploter contre la Couronne. On ne sait pas de quelle manière la royale passion fut payée de retour.
Peu après Henri III règne en Angleterre Jacques I er (1566-1624). Il ne cacha jamais non plus son amour débordant pour ses favoris successifs dont le plus influent, le plus célèbre et le plus haï, George Villiers, le duc de Buckingham. Eh oui ! Buckingham, celui-là même qui, dans Les Trois Mousquetaires de Dumas, fait la cour à la femme de Louis XIII, la reine de France Anne d’Autriche. Quand on vous dit que c’est compliqué. « Jésus a eu son Jean, moi j’ai mon George », osa affirmer publiquement le roi Jacques pour faire taire les commentaires. Cela ne l’empêcha pas de donner des directives pour renforcer dans les tribunaux la condamnation d’un horrible vice, la sodomie.
Le péché philosophique
Voici en effet l’autre grand angle d’attaque qui peut servir aux historiens : celui de la répression. Grosso modo , jusqu’au milieu du Moyen Âge, l’Église ne porte pas d’attention particulière à la question : les relations sexuelles entre gens de même sexe sont un péché, mais un péché parmi tous les autres, l’adultère, la zoophilie, etc. Puis, vers le xiii e siècle, appuyé sur saint Paul et saint Augustin, on commence à concentrer le regard sur cette abomination . Toutefois, l’opprobre porté sur les sodomites fluctue.
Avec la Renaissance souffle un léger vent d’ouverture. La redécouverte des thèmes antiques permet à de nombreux artistes de s’aventurer sur des terrains interdits jusqu’alors. En se plongeant dans la culture gréco-latine, on redécouvre le tendre penchant qu’avaient Achille pour Patrocle, Apollon pour Hyacinthe, Hercule pour Hylas (ou Hilas) ou Zeus pour le jeune échanson Ganymède. Ces thèmes, reproduits sur les toiles, nous donnent des indices sur les préoccupations de ceux qui les ont peintes. Avec d’autres, le jeune
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