Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
interminable concile, le « concile de Trente », jette les bases de ce que l’on appelle « la Contre-Réforme » ou la « Réforme catholique ». La « Compagnie de Jésus », c’est-à-dire les Jésuites, un ordre fondé au début du siècle par un noble espagnol, en sera le fer de lance : elle se vit comme une « armée au service du pape », c’est dire les préoccupations de l’époque. Certaines décisions paraissent évidentes, comme celle qui prévoit de créer des séminaires qui serviront à former les prêtres. Mais aussi, du même mouvement, on voit apparaître un renouveau du mysticisme le plus délirant, la mode des interminables processions du saint sacrement, de nouvelles formes de dévotion qui sont à l’opposé de l’ouverture dont a été capable la pensée catholique à d’autres moments de son histoire.
Une haine durable
Ce siècle a laissé un autre legs durable : une haine farouche entre protestants et catholiques. Aujourd’hui elle paraît loin. Dans une société déchristianisée, la plupart des gens font mal la distinction entre les branches du christianisme, et cela pousse à des approximations qui auraient fait sortir les fusils il n’y a pas si longtemps. À la radio, à la télé, par exemple, le pape est souvent présenté comme « le chef des chrétiens ». Non, le pape est le chef des catholiques. Une partie des chrétiens se réclament de Luther et de Calvin, qui, précisément, ont fondé leur doctrine sur le rejet de cette hiérarchie, et avec quelle violence ! Celle-là aussi est oubliée. On croit souvent que l’hostilité anticléricale est une spécialité du xix e siècle ou du xx e . Il faut alors relire les pamphlets calvinistes contre « la putain romaine », les « papes sodomites » et les couvents qui sont autant de « bordels » (on disait « bordeaux », mais le sens est le même). Le protestantisme rejette le culte des saints et des vierges : cela se traduira par d’innombrables dévastations d’églises, dont on brûle les reliques, les tableaux, les statues dans des manifestations de violence dont aucun des pires « bouffeurs de curé » du siècle dernier n’aurait été capable.
Les catholiques ne sont pas en reste, évidemment, quand il s’agit de rendre la pareille. Ils continueront à entretenir une haine qui durera fort longtemps et structurera profondément leur pensée politique. Nous avons tous une idée des ravages qu’a pu produire la haine antisémite, en France, au moment de l’affaire Dreyfus par exemple. Jusqu’au début du xx e siècle, pour les catholiques conservateurs, la haine antiprotestante était largement aussi forte. Pour Maurras, le très influent penseur de l’extrême droite, le protestantisme est un des poisons qui menacent la « fille aînée de l’Église », un protestant est un pilier de « l’anti-France », il est largement aussi dangereux pour l’identité nationale qu’un Juif ou un franc-maçon. C’est dire à quel niveau il le situe.
Mourir pour son Dieu
L’idée la plus commune à propos de guerres de Religion, c’est : « Comme c’est bête de se faire la guerre pour des raisons religieuses. » Un des points de dissension les plus aigus entre protestants et catholiques portait sur la présence réelle ou non de Jésus dans l’hostie consacrée. Pour tout esprit un tant soit peu éloigné du christianisme, concevoir qu’on ait pu s’entre-massacrer pour savoir si oui ou non on mange vraiment Dieu quand on communie à la messe paraît surréaliste. En même temps, la religion prétend jouer avec des questions fondamentales, des questions de vie ou de mort, littéralement. Quoi de plus naturel, quand on y croit, que d’aller jusqu’au sacrifice suprême, précisément, pour des choses d’une telle importance ? Luther, Calvin sont intimement persuadés d’agir pour le salut des âmes et pour sauver l’humanité tout entière. Nombre de protestants vont au bûcher comme on va au martyre, avec la certitude de gagner le paradis. Si les catholiques veulent « extirper l’hérésie », c’est parce qu’il en va du salut public d’éliminer ceux qui défient Dieu et qui vont donc hâter la fin des temps. Il ne s’agit pas d’excuser, il s’agit de comprendre la logique à l’œuvre. Pour nous aujourd’hui, elle est impensable. Est-elle la seule à l’être ? Prenons un exemple dans cette même période : peu avant les guerres de Religion, ce
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