Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
dérouler le fil des événements tels qu’ils se sont passés. On vient de l’écrire, la période qui nous intéresse se conclut en 1661, le jour où un jeune homme de vingt-trois ans décide de faire seul, et dans sa plénitude, le métier qui est le sien : roi. Elle commence là où nous avions laissé le déroulé chronologique de notre histoire, en 1598, c’est-à-dire à la signature de l’édit de Nantes, qui clôt les horribles guerres de Religion.
Henri IV est enfin reconnu comme roi par à peu près tout le monde, il peut s’atteler à une tâche qui n’est pas simple : tenter de reconstruire un royaume en ruine. Un de ses amis fidèles, un rigoureux protestant, le seconde dans cette œuvre : Sully (1559-1641), le premier grand homme d’État de ce siècle. On ne le sort jamais dans les manuels qu’avec sa célèbre maxime en bandoulière : « Labourage et pâturage sont les mamelles dont la France est alimentée. » L’image est hardie, mais réductrice : le brave Sully s’est occupé du reste du corps aussi. Tout était à refaire : relancer le commerce, sécuriser les routes, développer de nouveaux secteurs économiques et trouver beaucoup, beaucoup d’argent pour payer les millions de dettes accumulés : les guerres ont coûté cher. Le ministre fait des prodiges, il réussit à ramener le budget à l’équilibre. Il n’a rien négligé pour cela, et surtout pas d’augmenter les impôts, moyen très sûr de se rendre impopulaire. De leur vivant, le roi et son ministre le seront énormément. Henri est sauvé par le destin, en quelque sorte, en se faisant assassiner, en 1610, dans son carrosse bloqué à Paris dans un embouteillage, par un catholique fanatique dont chacun connaît le nom : Ravaillac. Pour la postérité, c’est imparable. L’assassinat crée un choc dans un pays qui ne veut pas revivre ce qu’il a trop connu au siècle précédent. De ce traumatisme national la légende peut naître. Comme l’écrit Yves-Marie Bercé, un des grands spécialistes de cette période 1 : « Henri IV appartenait désormais à l’imagerie merveilleuse de l’histoire rêvée », celle du monarque débonnaire régnant sur un pays heureux et de la poule au pot.
Louis XIII enfant, régence de Marie de Médicis Louis XIII adulte, ministère de Richelieu
Pour l’histoire politique, en revanche, l’assassinat est une catastrophe : son fils aîné, devenu aussitôt le nouveau roi Louis XIII (1601-1643), n’a que neuf ans. Il faut une régence. La reine mère, Marie de Médicis, l’assure. Assure est un grand mot. Elle met beaucoup d’énergie à vider consciencieusement les caisses royales et donne les clés du pays à un étrange aventurier italien nommé Concini, marié à son amie d’enfance, une créature de roman nommé la Galigaï qui finira brûlée pour sorcellerie. Le jeune roi grandit de son côté sans que personne ne se préoccupe beaucoup de son éducation. On le laisse passer son temps à la chasse, il n’aime que ça. Il est sentimental. Il s’entiche de son fauconnier, un nobliau de vingt-trois ans son aîné, sans grande intelligence politique, mais très bel homme. Le jeune Louis en est fou : il le fait connétable et duc de Luynes et, après avoir éliminé Concini, le met au pouvoir. Luynes a le bon goût de mourir assez vite, lors d’un siège, en 1621, foudroyé non par un boulet mais par la scarlatine – on ne peut pas être parfait tout le temps.
La première place est libre pour le deuxième des grands hommes d’État du siècle après Sully : le cardinal de Richelieu (1585-1642). Il rêvait, enfant, d’être homme de guerre. Il est devenu par hasard homme d’Église (on le fait évêque parce que son frère, à qui était destinée la place, a préféré devenir moine). Il campe à jamais le type parfait de l’homme de pouvoir : secret, froid, maître de toutes choses autant que de lui-même. Monseigneur l’évêque de Luçon est né pour gouverner : il le fera, sans partage, de 1624, date à laquelle il devient chef du Conseil du roi, à sa mort en 1642. Le premier il prépare la voie à l’absolutisme royal en en créant cette variante un cran en dessous, si l’on peut dire, que les spécialistes appellent « le ministériat » – un système dans lequel le roi supervise de loin et laisse, à ses côtés, un seul décider de tout à sa place.
Son Éminence aime l’ordre, l’unité et l’obéissance. Tout ce qui y
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