Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
mais sa mort fut saluée par des feux de joie dans tout le pays. Mazarin, sur ce terrain, le devance haut la main : même quand il est au pouvoir, on se gêne à peine pour le haïr. Quelques années après son arrivée aux affaires, il doit faire face à une série de révoltes qui auraient pu jeter le régime à bas : la Fronde (1648-1653), ou plutôt « les » Frondes, puisque plusieurs se succèdent en cascade. La « fronde parlementaire » d’abord, c’est-à-dire la révolte des magistrats qui siègent dans ces sortes de cour de justice de l’Ancien Régime que l’on appelle « les parlements ». Ceux de Paris protestent contre de nouveaux impôts. Le cardinal en fait arrêter un. Cela met le feu aux poudres. Les barricades couvrent la capitale. Le prince de Condé, héros national depuis qu’il a gagné une grande victoire sur les Espagnols, fait le siège de la ville pour protéger la Couronne. Ensuite, les grands se mettent à remuer à leur tour. C’est la « fronde nobiliaire ». Puis l’insupportable et vaniteux Condé, fâché avec Mazarin, est arrêté, puis libéré, et il s’y met à son tour, mais en s’alliant avec les Espagnols, c’est la « fronde des princes », ou « fronde condéenne ». Il y a péril dans le royaume, le cardinal cherche à calmer les choses, il part en exil. Les révoltés ne savent pas s’allier, le désordre gagne, la France se lasse, le cardinal revient et reprend les rênes d’un pouvoir qu’il ne lâchera plus qu’à sa mort, en 1661. Il n’a pas été aimé ; il a suscité des tombereaux de pamphlets tous plus virulents et diffamatoires (les « mazarinades ») ; il laisse derrière lui la plus grosse fortune d’Europe soigneusement amassée grâce aux sommes pillées dans les caisses de l’État, mais aussi un pays en ordre et en paix (signée avec l’Espagne lors du célèbre « traité des Pyrénées », 1659) et un élève qui a compris sa leçon. Après Mazarin, plus de grands ministres, plus de frondes ou de désordres non plus, Louis XIV prend le pouvoir. Il le tiendra, lui aussi, jusqu’à la tombe. On l’y mettra cinquante-quatre ans plus tard.
L’extrême violence politique des temps
Ayant en tête le film des événements comme on vient de le dérouler, on comprend aisément le raisonnement tenu si souvent dans les histoires de France. Il tient sur deux jambes. D’une part les deux grands ministres, Richelieu et Mazarin, en gouvernant d’une main ferme, en renforçant le rôle d’un État centralisé, ont montré l’avantage d’un pouvoir autoritaire et ainsi préparé la voie à l’absolutisme louis-quatorzien. D’autre part, cet absolutisme a eu un côté positif : il a permis à la France de ne pas retomber dans les ornières où elle s’était embourbée plusieurs fois durant la première moitié du xvii e siècle, de ne pas connaître à nouveau les troubles terribles qu’elle a endurés, dès lors que le pouvoir était faible. La thèse n’est pas fausse. On peut même, pour l’étayer, aller plus loin encore. De la violence politique qui a régné durant les deux régences, celle de Marie de Médicis, la veuve d’Henri IV, et celle d’Anne d’Autriche, on n’a donné plus haut que l’écume : tel favori remplace tel ministre ; les parlementaires se font frondeurs , etc. À lire cette succession de ministères et de petites révoltes amusantes comme on le fait en regardant les chronologies, on pourrait presque prendre ce premier xvii e pour un mélange de IV e République et de Mai 68. Erreur terrible ! Ces temps étaient autrement sanglants. Gardons-en quelques images qui en font saisir l’atmosphère.
Nous sommes passés assez vite sur l’éviction du premier des conseillers de la régente Marie de Médicis, Concini. Pour prendre le pouvoir alors qu’il ne lui en laissait aucun, et placer Luynes, son favori, le jeune Louis XIII – il a seize ans à peine – demande-t-il officiellement à l’Italien de démissionner ? Allons ! Nous ne sommes pas dans un aimable régime présidentiel. Il ordonne à son chef des gardes de l’assassiner. Cela sera fait en plein jour au beau milieu de la cour du Louvre, et ça n’était pas gagné d’avance, Concini ayant à sa disposition une armée privée de 7 000 hommes qui, pour son malheur, n’étaient pas avec lui ce jour-là.
Après l’exécution, le roi entre dans une longue brouille avec sa mère. Sait-on comment on gère les
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