Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
l’Assemblée nationale. Depuis août, il refuse de promulguer ces horreurs qu’elle a votées – l’abolition des privilèges, les droits de l’homme. Il finira par le faire quand même, inaugurant cette valse-hésitation perpétuelle qui sera son mode de fonctionnement jusqu’à la fin. Auprès de lui, la reine, rendue soudain grave par ces événements qui l’effraient. Viscéralement réactionnaire (le mot est d’époque, il apparaîtra bientôt pour désigner ceux qui s’opposent au mouvement de la Révolution), elle ne sera pas toujours de bon conseil, mais elle, au moins, lui sera toujours fidèle.
D’autres n’ont pas ses scrupules. Parmi toute cette cour, hier encore prête à toutes les manigances pour se gaver de pensions et de prébendes, nombreux sont ceux qui, dès l’été 89, choisissent sans états d’âme une solution peu glorieuse : ils s’enfuient. Quelques jours après le 14 juillet, le comte d’Artois, le propre frère de Louis XVI, a été un des premiers à partir. Bien d’autres suivront. Au fil des ans, ils iront s’installer de l’autre côté du Rhin, ou en Suisse, ou en Angleterre, ou en Russie, dans des petites cours ou auprès de rois puissants, partout où ils espèrent trouver les appuis qui serviront le dessein qui les anime désormais : revenir en France pour restaurer le seul ordre qui leur semble naturel et châtier cette canaille qui a osé l’ébranler. On les appelle les « émigrés ».
La Constituante (1789-1791) : l’illusion de l’unité
L’assemblée issue des États généraux a donc pour mission de donner une « constitution au royaume ». La Constituante aussi a quitté Versailles pour Paris. Elle siège deux ans et ne chôme pas. En quelques mois sont jetées les bases d’une organisation de la société qui est toujours la nôtre : création des départements (il y en a 83 à l’origine), premiers pas vers le système métrique, laïcisation de l’état civil, organisation de l’égalité devant l’impôt. Les débats y sont passionnés, ils accouchent de la vie parlementaire comme elle existe encore. Il n’y a pas de partis politiques, mais déjà, dans la salle, les plus avancés prennent l’habitude de se placer à gauche et les plus conservateurs à droite. À l’extérieur, on se retrouve dans d’autres hauts lieux de la vie révolutionnaire : les clubs. Il y en a de toutes tendances, le « club des Feuillants » sera rapidement assez marqué à droite, le « club des Jacobins » et celui des « Cordeliers » seront les cénacles de ceux qui veulent pousser plus loin la Révolution. Tous ont des noms qui nous semblent étranges. Ce sont ceux de vieux ordres monastiques. Tout simplement parce que ces clubs ont élu domicile dans leurs anciens couvents.
14 juillet 1790, grande date de la période : en souvenir de la Bastille, immense cérémonie sur le Champ-de-Mars. À côté du fringant général La Fayette, chef de la garde nationale, le roi prête serment à la Nation assemblée. C’est la « fête de la Fédération », ainsi nommée parce qu’elle célèbre l’union de tous les départements, qui viennent marquer leur attachement à la France renouvelée. Cent ans plus tard, la III e République choisira ce jour-là comme fête nationale : contrairement à ce que l’on croit, tous les 14 juillet nous ne commémorons pas la prise de la Bastille mais cette « fête de la Fédération » qui en marqua le premier anniversaire. Il fallait, pour honorer la nation, un jour d’unité, un jour heureux, un jour acceptable par tous. Il n’y en aura pas tant d’autres.
Sous la Constituante s’ouvre déjà, en effet, une fracture qui n’en finira plus de déchirer le pays : la fracture religieuse. Il faudra un temps pour qu’on en comprenne la gravité. Pour trouver de l’argent, dès le mois de novembre 1789 on a procédé à la nationalisation des biens du clergé et on les a mis en vente sous le nom de « biens nationaux ». Ils sont gagés sur des bons, qui serviront de monnaie : les « assignats ». Des bourgeois, des paysans un peu fortunés achètent les terres qui appartenaient à l’Église et ce transfert de propriété est plutôt un élément de stabilisation du nouveau régime : ces nouveaux propriétaires lui sont tout acquis, ils ne redoutent désormais qu’une chose, un retour à un régime qui leur reprendrait leur bien. Mais cette nationalisation implique par contrecoup
Weitere Kostenlose Bücher