Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
de l’Est et des satellites que l’Empire russe avait créés. Il fallut des années de guerres menées par des puissances étrangères à l’Allemagne pour venir à bout de Hitler. Les principes seuls de la Révolution suffirent à mettre fin aux excès causés par la Révolution, sans doute parce que ces principes, dans leur essence, n’étaient pas totalitaires mais démocratiques.
La patrie des droits de l’homme
On aura compris le sens de notre raisonnement. Il ne s’agit pas de faire de 1789 ou de 1793 les sommets indépassables de l’histoire. On vient de le voir, la période ne manque pas de contradictions. On aurait pu s’étendre sur bien d’autres. Sur un plan social, l’évolution a été timide. On peut même parler, pour les plus pauvres, d’une régression. Dans sa volonté de faire sauter les verrous économiques de l’Ancien Régime, la Révolution a cassé nombre de mécanismes qui protégeaient les humbles. Les lois nouvelles (comme la fameuse loi Le Chapelier de 1791), au nom de la liberté du commerce, suppriment les corporations et interdisent toute forme de regroupements, ce qui revient à rendre illégale toute possibilité pour les ouvriers de s’unir, de faire grève, ou de former ce que nous appelons des syndicats. Il leur faudra près d’un siècle pour reconquérir ce droit.
D’autres oppositions méritent d’être relevées : la Révolution n’a à l’esprit que de nobles principes universels, elle entend éclairer le genre humain de ses lumières. Dans la pratique, elle l’éclairera souvent à la lueur de ses canons : les offensives de « libération » lancées au-delà du Rhin ou des Alpes au cri de « guerre aux châteaux, paix aux chaumières ! » deviennent vite des guerres de conquête. Certains bataillons étrangers enrôlés au service de la République portent sur des écussons cette magnifique devise « Tous les hommes libres sont frères », mais souvent, en cette époque qui voit naître le patriotisme, et son jumeau grimaçant, le nationalisme, Paris estime que les Français méritent d’être un peu plus libres que les autres. Quand, sous le Directoire, le général Bonaparte pille consciencieusement l’Italie qu’il a conquise, il ne choque pas grand monde : les vaincus n’ont qu’à payer.
Il ne faut pas non plus surestimer le rayonnement de la Révolution française sur le reste du monde, comme on le fait trop spontanément dans notre pays. Les événements français sont commentés à l’étranger, ils enthousiasment des peuples entiers et aussi de grands esprits, Goethe, Kant, le poète anglais Wordsworth. Ils servent vite également – on l’oublie – d’opportuns contre-exemples : pendant des années, les princes, les rois, tous les pouvoirs en place en Europe écraseront sans états d’âme la moindre velléité de réforme avec l’assentiment de la bourgeoisie, traumatisée par avance : tout plutôt que la Terreur comme en France.
Plus tard, à cause de la parenté qu’elles lui trouvent avec leur révolution à eux, la Russie puis la Chine développeront l’intérêt pour notre histoire. Aujourd’hui encore, certains des plus grands historiens de la Révolution française sont anglo-saxons. Pour autant, il faut arrêter de croire que la France peut seule se targuer d’avoir donné à la planète des leçons de liberté. Songeons à cette expression toujours répétée : notre pays est la « patrie des droits de l’homme ». Elle part d’un noble sentiment – comment reprocher à quiconque de revendiquer d’aussi admirables principes ? –, mais elle est fausse, ou plutôt elle n’est que partiellement vraie. La Constituante accoucha le 26 août 1789 de la fameuse « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Elle ne les a pas inventés pour autant, ou plus exactement elle n’est pas la seule à s’en croire l’auteur. Demandez à des Anglais : pour eux, l’invention de la liberté politique est anglaise, elle prend sa source dans la « Grande Charte » du Moyen Âge et surtout dans la Glorieuse Révolution de 1688 et son Bill of Rights (1689) qui donne aux sujets du roi des droits fondamentaux. Demandez à un habitant des États-Unis : il pense à la fameuse déclaration d’indépendance de 1776 (« tous les hommes sont créés égaux »), que les constituants français avaient d’ailleurs en tête en août 1789. Un Hollandais pensera à la tolérance qui fit la réputation
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