Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
soin, lors de la cérémonie du sacre à Notre-Dame, de se couronner lui-même. Prudent, il avait consolidé cette nouvelle fonction par plébiscite : l’onction de Dieu associée à celle du peuple citoyen, voilà tout l’Empire, ce mélange étonnant d’archaïsme monarchique et de modernité révolutionnaire. L’Empereur est le « représentant couronné de la Révolution triomphante », écrit Jean Tulard 1 , le grand spécialiste de la période, pour décrire ce jeu d’équilibre complexe.
Après le sacre de Notre-Dame, il se fait couronner roi d’Italie. Bientôt, au gré de ses conquêtes, il distribue les couronnes à l’ensemble de ses frères et sœurs et quand il a enfin un fils, en 1811, il parle de fonder une « quatrième dynastie », c’est-à-dire une famille qui succéderait sur le trône aux Mérovingiens, aux Carolingiens et aux Capétiens. Par bien d’autres côtés, toutefois, il parachève 1789. C’est le second aspect de l’œuvre impériale, souvent mis au crédit de l’homme et de la période. Napoléon est le consolidateur de l’État, l’homme qui a arrêté la tourmente de la Révolution, mais a su en préserver les acquis pour en faire les fondations d’un pays fort et stable. Avant tout, il rétablit la paix intérieure. La tranquillité avec les catholiques est assurée par la signature du « Concordat », ce traité signé avec le pape Pie VII qui organise l’Église de France et régit les relations avec Rome. Toutefois, contrairement à ce qui se passait sous l’Ancien Régime, les droits des religions minoritaires, juive et protestante, sont reconnus, et l’exercice de leur culte organisé dans la foulée. En même temps, le prudent Bonaparte rassure ceux à qui les ennuis de l’Église après 1789 avaient bien profité, c’est-à-dire les riches paysans ou les bourgeois qui avaient acheté ses biens ou ceux des émigrés alors mis aux enchères, les fameux « biens nationaux ». Au cœur même du serment qu’il prête lors de son sacre, l’Empereur confirme que leur vente est « irrévocable ». En créant la Banque de France, le Code civil, les lycées pour dispenser l’éducation secondaire, la Légion d’honneur ou les préfets, il dote le pays d’institutions si solides qu’elles existent toujours.
La conquête de l’Europe
Enfin, ou surtout, pourrait-on dire, Napoléon Bonaparte est un conquérant. Qui l’ignore ? La République avait dû affronter l’Europe entière liguée contre elle et conspirant à sa perte. Le Consul commence par calmer les choses. En 1801 et 1802, il signe la paix avec l’Autriche et l’Angleterre (paix de Lunéville en 1801 et traité d’Amiens en 1802). Sitôt devenu empereur, sitôt que son pouvoir est assuré à l’intérieur, il révèle sa vraie nature et inverse la perspective d’hier : ses ennemis sont les mêmes que ceux qui menaçaient la France de 1792 – en gros le continent tout entier –, mais il ne s’agit plus de s’en défendre. Au contraire. L’homme n’aura de cesse de les attaquer pour assouvir sa soif inextinguible de victoires et de domination. Elle fera sa gloire, elle fera sa perte.
Ulm, Iéna, Eylau, Wagram, chaque Français a dans l’oreille le nom de ces batailles qui ont permis à un petit Corse de régner sur tout un continent. Elles ont toutes servi à baptiser des avenues et des places, des rues et des stations de métro. La liste en est fastidieuse. Ne gardons que les lignes de force qui en gouvernent la succession. Le principe de départ est simple, on vient de l’évoquer : sitôt qu’il a sur le front la couronne impériale, Napoléon n’a plus qu’une idée en tête, agrandir son empire. Son ambition démesurée le poussera à défier les unes après les autres toutes les puissances du temps, grandes ou petites, qui entourent la France, ou à briser les « coalitions » qu’elles mettent en place pour tenter de le contenir. Il leur en faudra cinq pour en venir à bout.
Quels pays peuvent lui tenir tête ?
À l’est de la France, le fameux « Saint Empire germanique » n’est plus qu’un conglomérat de principautés, de villes libres, de petits États plus ou moins indépendants. Sur ses débris, et en s’appuyant aussi sur de vastes territoires extérieurs, plus à l’est, se sont créés deux États forts, puissants et redoutés. Le premier est l’Autriche. François de Habsbourg, son « archiduc héréditaire », qui règne aussi sur
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