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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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préjugés, ceux qui veulent que le Juif soit toujours un usurier. Mais ils sont adaptés à l’époque. Parce que certains Juifs célèbres sont des financiers – les Rothschild sont les plus connus –, on vise à faire de tous les symboles des nouveaux ennemis du peuple, la finance et le capitalisme. Évidemment, l’immense majorité des grands banquiers de l’époque ne sont pas juifs, et l’immense majorité des Juifs sont pauvres, en particulier les petits artisans ou les misérables ouvriers du textile qui vont arriver en France dans les années 1880 pour fuir les persécutions terribles attisées par les tsars et leur police en Russie. Quelle importance ? Pour les assommer, une grande partie de la société a trouvé une autre matraque, forgée dans les délires pseudo-rationalistes d’un siècle qui croyait tout résoudre par la science, et était prêt à lui faire dire n’importe quoi : la race. La notion est tout aussi fantasmatique mais, à ce moment-là, la plupart des gens en sont persuadés : de même qu’il y a des races jaune ou noire – autres présupposés également balayés depuis –, il y a une « race sémite », opposée à celle des « Aryens ». On le comprend, le concept fait évoluer la phobie : on ne reproche plus à l’autre sa croyance , on lui reproche ce qu’on estime être sa nature .
    Cette pensée est encore diverse et confuse, elle va être rassemblée et exploser véritablement en 1886 grâce à un immense succès de librairie, La France juive d’Édouard Drumont. Gérard Noiriel nous explique comment ce libelle à nos yeux illisible et souvent grotesque, écrit par un petit journaliste alors inconnu, va devenir un incroyable best-seller en étant littéralement adoubé par la presse « respectable » et quelques notables des lettres, comme l’écrivain Alphonse Daudet. Nous ne sommes plus du tout, cette fois, dans les petits milieux de l’extrême gauche mais de l’autre côté du spectre politique, au cœur de la droite catholique antirépublicaine. La thèse que défend Drumont arrive pour eux à point nommé. Le triomphe de la République et de ses valeurs a écrasé le monde qui était le leur. Le pamphlétaire leur apporte sur un plateau le nom du responsable de leur malheur, le Juif. Il est le coupable idéal puisqu’à leurs yeux il représente tout ce qu’ils détestent : le capitalisme moderne destructeur de leur univers ancien ; l’ennemi du Christ qui, avec les francs-maçons, veut détruire l’Église ; l’apatride qui sape par sa présence même les fondements de la France éternelle.
    En quelques années, l’antisémitisme, hier encore dans les marges, devient une opinion proclamée avec une fierté impensable aujourd’hui : il y a des livres antisémites, des chansons antisémites, des candidats antisémites aux élections. L’Église, soucieuse de reconquérir un plus vaste public, a lancé grâce aux Assomptionnistes un nouveau grand journal, La Croix . Il sera sous titré « le journal le plus anti-juif de France ». Et jamais ni lui ni aucun des titres plus populaires qui vont pêcher dans les mêmes eaux ne lésineront à se servir d’une explication du monde qui nous semble délirante, et qui, précisément, est d’autant plus redoutable qu’elle l’est. Qu’il se produise n’importe quel scandale politico-financier – la III e République en connaît d’innombrables –, la presse antisémite déclenche un jeu qu’elle ne perd jamais. S’il se trouve à quelque niveau de l’affaire un protagoniste qu’elle estime juif, elle oublie évidemment qu’il y en a vingt à côté qui ne le sont pas : une fois de plus, « ils » sont coupables ! Si aucun n’apparaît, c’est encore plus évident : « ils » adorent le secret, si « ils » n’apparaissent pas, c’est bien la preuve qu’« ils » y sont encore.
    Avec Dreyfus, tout concorde au-delà même de leurs espérances : la trahison, l’argent, et avec ça l’espionnage au profit de l’Allemagne, c’est-à-dire l’ennemi absolu depuis la guerre de 1870. Pourquoi des preuves, pourquoi des enquêtes ? Le crime est signé.
    Le capitaine est français, on pourrait même dire qu’il l’est doublement, puisqu’il appartient à une de ces familles qui ont choisi de quitter l’Alsace après 1871 pour ne pas devenir allemandes ; il est d’un patriotisme sans faille, chauvin, souvent buté comme le sont la plupart des militaires à

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