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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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l’époque. Pour les antisémites, il est juif, il n’y a donc pas à chercher plus loin. Dès l’arrestation, le journal de Drumont s’enflamme et l’accable. Bien plus tard, quand les preuves de l’innocence s’accumulent, Maurice Barrès, le chef des nationalistes, ne se démonte aucunement. Il écrit : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race. »

    Xénophobie
    À la haine des Juifs, dans ces dernières décennies du xix e  siècle, s’en ajoute une autre, moins frontale dans l’Affaire, mais tout aussi présente : celle de l’étranger.
    La xénophobie est une maladie ancienne et commune à de nombreux peuples. À cette époque, elle aussi prend une forme plus moderne – celle que nous connaissons toujours –, la haine du travailleur immigré.
    Eux non plus ne sont pas une nouveauté dans le pays. Sous la monarchie de Juillet, puis sous le Second Empire, d’innombrables Allemands, fuyant la pauvreté, sont venus se placer dans les grandes villes, en particulier comme tailleurs, domestiques ou bonnes. La plupart d’entre eux ont fui avec les débuts de la guerre de 1870, ou se sont sentis obligés de changer leur nom, ou de mentir sur leur origine. Dans le Sud-Ouest, on compte depuis longtemps de nombreux Espagnols. Sur la frontière des Alpes, des Suisses. Les nécessités de l’économie et la faiblesse de la démographie amplifient ce mouvement et conduisent, dans les années 1880, à une grande vague d’immigration comparable à celles que l’on verra dans les années 1920 ou après la Seconde Guerre mondiale. La France compte alors plus d’un million d’étrangers, nous rappelle l’ Histoire des étrangers et de l’immigration 3 . Les deux populations les plus nombreuses sont les Belges dans la France du Nord et les Italiens dans celle du Sud.
    Les bases du ressentiment à leur égard sont économiques : on en veut à ces concurrents qui prennent les emplois et font chuter les salaires en acceptant de travailler à n’importe quelle condition. Les formes qu’il prend sont brutales. Les Italiens, tout particulièrement, en sont victimes. Dans les journaux, dans une partie de l’opinion publique, ils sont toujours écrasés sous d’éternels stéréotypes. Les macaronis sont des criminels en puissance, des pouilleux sans feu ni lieu, des bagarreurs toujours prêts à sortir le couteau, à qui, en outre, les milieux ouvriers plutôt déchristianisés reprochent leur bigoterie et leur soumission aux prêtres : en argot, on les appelle les christos . On notera au passage que les préjugés contre les immigrés du xx e puis du xxi e n’ont guère changé, à un détail près : on continue toujours de leur reprocher leur religion, mais le plus souvent ce n’est pas la même.
    Parfois les tensions explosent. Les circonstances sont diverses. En 1881, la France et l’Italie s’opposent car elles veulent toutes deux mettre la main sur la Tunisie : le débarquement des troupes françaises à Marseille fournit le prétexte de manifestations anti-italiennes, qui dégénèrent en violences contre les Italiens de la ville – vingt blessés, trois morts. D’autres débordements auront lieu en 1894 quand Sadi Carnot, le président de la République, sera assassiné par un anarchiste italien.
    Les plus graves se sont produites un an seulement auparavant, au mois d’août 1893, à Aigues-Mortes : un véritable pogrom d’une sauvagerie inouïe est organisé contre les ouvriers italiens, dont huit seront assassinés et cinquante blessés. Les responsables seront jugés quelques mois plus tard et acquittés.

    Le sol fait un Français
    L’antisémitisme et la xénophobie ne sont pas identiques, les fantasmes à l’œuvre ne sont pas les mêmes, mais il y a des ponts entre les deux. La « France juive » de Drumont a un ennemi principal, désigné par le titre du livre. Un autre est toujours présenté comme l’allié du précédent, et conspirant comme lui à la perte du pays. Il s’agit de Gambetta, qui, aux yeux de l’auteur, a deux tares : il est républicain et il est fils d’étranger. Le grand leader de la III e République était en effet né à Cahors de parents italiens qui tenaient une épicerie dans cette ville et il choisit la naturalisation à l’âge de vingt et un ans. À l’époque de l’affaire Dreyfus, Gambetta est mort – il a disparu prématurément en 1882. L’obsession xénophobe se retourne contre un autre fils d’Italien :

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