Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
colère. La Pologne, qui n’existait plus depuis plus d’un siècle, redevient un État, mais il lui faut presque aussitôt, pour le défendre, relancer une guerre contre l’« Armée rouge » des Russes. Comme doivent le faire les Turcs, dont le grand pays était au bord d’être dépecé par les Anglais, les Français et les Grecs.
Pendant les années d’après-guerre se sont succédé les traités scellant le sort d’un vaincu après l’autre. Le principal est celui de Versailles, qui s’occupe de l’Allemagne, suivi de ceux de Saint-Germain-en-Laye et du Trianon, qui concernent l’Autriche et la Hongrie. Ils entendaient tout régler, et mettre fin à jamais à une guerre qui devait être la « der des der ». Ils préparent la suivante. Les vaincus ne lisent dans ces textes que la volonté de les humilier. L’Allemagne perd un dixième de son territoire, elle est écrasée sous le poids des réparations. L’Autriche, la Hongrie deviennent deux ombres du pays puissant qu’ils formaient. Seul, alors, le très chrétien président américain Wilson, hanté par son messianisme religieux, pense qu’il faut faire prévaloir la justice et le respect sur la vengeance. Les Européens et leurs leaders, le Français Clemenceau et le Britannique Lloyd George, voient en lui un « idéaliste ». Son propre Congrès le désavoue qui refusera l’entrée des États-Unis dans la « Société des Nations » dont il avait été le promoteur et qui devait garantir la paix entre les hommes.
La guerre de 1914-1918 fut la tragédie fondatrice d’un siècle de feu et de sang, un carnage tellement énorme que les historiens n’ont pas fini de chercher à l’expliquer, à le disséquer, à le comprendre et à débattre pour tenter de le faire. Depuis près d’un siècle, sur tous les aspects du conflit, les théories se confrontent. Qu’est-ce qui a causé cette horreur ? Est-ce la seule faute de l’Allemagne et de son militarisme structurel, comme l’ont pensé longtemps la majorité des historiens français, et, depuis les années 1960, de grands historiens allemands ? Est-ce la faute du système économique, ce capitalisme qui n’a d’autre issue que de faire se battre les travailleurs entre eux, pour donner des débouchés aux « marchands de canons », comme le pensaient les socialistes de l’époque ? Est-ce la faute de la folie nationaliste, ce fanatisme qui exalte le sacrifice et la patrie dans le seul but de se nourrir du sang des peuples ?
Une fois la guerre déclarée, comment les peuples ont-ils pu la faire, et si longtemps ? Depuis la fin des années 1990, c’est sur ce point que porte en France un débat passionnant. Dans les années 1960-1970, en un temps qui aimait les rebelles et la « contestation », on avait beaucoup travaillé sur les mutins. Vingt ans plus tard, la perspective est renversée : pourquoi, en réalité, y en eut-il si peu ? Quarante mille environ, pour les Français, dans des mouvements concentrés en 1917, c’est-à-dire après des années d’épuisement, après, surtout, des offensives encore plus meurtrières et inutiles que les autres, comme celle du général Nivelle, « le boucher ». Sur quatre années d’une guerre qui a dévoré des millions d’êtres, cela ne fait pas beaucoup. Comment tous ces hommes ont-ils pu supporter l’insupportable, ces années passées dans la boue, les poux, les rats, à attendre d’être enseveli vivant dans un bombardement ou de crever à petit feu, le corps déchiqueté sur des barbelés, avec, pour seul requiem, les cris et les râles d’autres agonisants ? Une religion les faisait tenir, disent les historiens comme Annette Becker et Stéphane Audouin-Rouzeau et leurs amis de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne : le sentiment du devoir, très conforté par une intense propagande, mais aussi très profondément ancré. C’est ce qu’ils appellent le « consentement patriotique ». Faux, répondent certains de leurs confrères – Fréderic Rousseau 2 ou Nicolas Offenstadt, regroupés autour d’un centre nommé le CRID 14-18 : ce « consentement » était de façade ou il était le fait de quelques-uns, les lettrés, les bourgeois, ceux qui ont écrit, publié. D’autres recherches, sur les mutilations volontaires par exemple, ou sur la puissance de toutes les formes de contraintes utilisées pour forcer les soldats à obéir, font apparaître une autre vérité : la plupart des gens
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